Le Sénat à majorité de droite a rejeté ce 18 octobre en première lecture une proposition de loi (PPL) transpartisane et soutenue par le gouvernement visant à inscrire le droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution. Un débat qui devrait revenir le mois prochain à l'Assemblée nationale, à la faveur de la discussion de deux nouvelles PPL constitutionnelles.
« Il n'a manqué que 17 voix. Ce n'est pas fini », a réagi l'autrice de la PPL, la sénatrice écologiste des Français.es de l’étranger Mélanie Vogel, dont le texte a été cosigné par des sénateurs de sept des huit groupes politiques du Sénat, à l'exception des Républicains. La PPL, déjà rejetée en commission des lois, était débattue dans le cadre d'une niche parlementaire du groupe écologiste. Son rejet a été acquis par 139 voix pour et 172 voix contre, au terme d'échanges parfois vifs qui ont tourné à l'affrontement droite-gauche.
« La majorité sénatoriale a fait le choix de s'inscrire contre la volonté de 81 % des Françaises et des Français. Cette bataille n'est pas terminée. Elle commence à peine », a assuré Mélanie Vogel.
De la protection des droits des femmes
Si quelques sénateurs centristes (15, dont la présidente de la délégation aux Droits des femmes Annick Billon et la rapporteure du budget de la Sécu Élisabeth Doineau) et LR (deux ont voté pour, six se sont abstenus) ont apporté leur soutien à la PPL écologiste, les attaques sont venues surtout de la droite, qui considère que l'arsenal législatif suffit aujourd'hui à protéger les droits des femmes.
Ainsi la rapporteure LR Agnès Canayer a fait valoir qu'« aujourd'hui ces droits sont pleinement protégés par le droit positif » et qu'il n'y avait « pas lieu d'importer en France un débat lié à la culture américaine » - en l'occurrence, la décision historique de la Cour suprême des États-Unis de révoquer le droit à l'IVG. « Le risque politique en France en 2022 n'existe pas et c'est tant mieux », a assuré le centriste Loïc Hervé. « Ici nous ne sommes pas des militants, nous faisons la loi et ce serait à l'évidence une mauvaise loi », a appuyé Muriel Jourda (LR).
« Préférons-nous une société où le droit à l'avortement est protégé au sommet de notre hiérarchie des normes ou une société où une simple loi peut le défaire ? », interroge de son côté Mélanie Vogel.
À gauche, Laurence Rossignol (PS) a affirmé que « les courants hostiles à l'IVG n'ont jamais désarmé depuis 1975 ». Laurence Cohen (CRCE à majorité communiste) a rappelé que son groupe « avait déposé une proposition de loi dès 2017, avant même la décision de la Cour suprême des États-Unis » d'annuler la jurisprudence Roe versus Wade de 1973.
Les débats se sont enflammés lorsque le sénateur des Bouches-du-Rhône d'extrême droite Stéphane Ravier (Reconquête) a défendu une motion de procédure - retoquée par 344 voix contre une - visant à rejeter d'emblée un texte jugé « dangereux, inutile, qui permet à ses auteurs de l'agit-prop ». Et de fustiger « attaques envers la vie ».
« Vous êtes exactement en train de démontrer pourquoi nous sommes en train de faire ce que nous faisons », a réagi Mélanie Vogel. « Imaginons qu'un jour vous soyez au pouvoir, eh bien moi je pense que le droit à l'avortement est sérieusement menacé dans ce pays », a abondé le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti.
Des PPL à venir à l'Assemblée, faute d'un projet de loi
La sénatrice Laurence Rossignol a interpellé le ministre en l'exhortant à déposer un projet de loi : « Prenez la main, épargnez-nous ces allers-retours aléatoires », a-t-elle lancé. De fait, un projet de loi ne requiert qu'une approbation en Congrès (aux trois cinquièmes des suffrages) tandis qu'une PPL constitutionnelle doit être votée dans les mêmes termes par les deux chambres, puis être soumise à un référendum pour être adoptée définitivement. « Nous connaissons tous la difficulté d'un référendum (...) particulièrement en cette période politique instable », a souligné la sénatrice de Paris Esther Benbassa. En outre, s'agissant d'une modification de la Constitution, le Sénat a les mêmes pouvoirs que l'Assemblée et dispose en quelque sorte d'un droit de veto.
Inscrire dans la Constitution le droit à l'IVG « aurait la force du symbole », a reconnu Éric Dupond-Moretti, assurant que « le gouvernement répondra présent pour soutenir chacune des initiatives parlementaires nombreuses en la matière ». « Au-delà du symbole, il y aurait des conséquences concrètes : cela permettrait de consacrer le droit à l'IVG comme un droit fondamental », a-t-il encore assuré.
« Le gouvernement est favorable à la constitutionnalisation de l'IVG. Nous devons être collectivement lucides, la menace d’un retour en arrière n’est pas une chimère », a aussi déclaré Isabelle Lonvis-Rome, ministre déléguée, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes. « Les droits sexuels et reproductifs conditionnent tous les autres droits des femmes. (...) Ce ne sont pas des droits à moitié, mais des droits fondamentaux inaliénables qu’il convient de protéger et de consolider. »
Deux propositions de loi constitutionnelles similaires sont dans les tuyaux à l'Assemblée nationale, l'une à l’initiative de l'alliance de gauche Nupes (le texte sera porté par Mathilde Panot) et l'autre du groupe de la majorité présidentielle Renaissance. Au Palais Bourbon, les macronistes représentés notamment par Aurore Berger, veulent porter leur texte le 9 novembre en commission des Lois et la semaine du 28 novembre dans l'hémicycle. La Nupes devrait présenter son texte en séance publique le 24 novembre. Celui-ci reprend mot pour mot celui des écologistes du Sénat : « Nul ne peut porter atteinte au droit à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception. La loi garantit à toute personne qui en fait la demande l’accès libre et effectif à ces droits ». En revanche, la PPL d'Aurore Bergé ne comporte que la première phrase.
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