À QUOI SERT un discours s’il n’annonce aucun changement ? En organisant un meeting auquel seuls les membres de l’UMP pouvaient assister, le président a reconnu implicitement que l’opposition à sa politique est croissante et même majoritaire, à en croire les sondages. Comme il n’avait nullement l’intention de retenir les suggestions pressantes du Parti socialiste, il a préféré ne pas s’exposer aux syndicalistes qui manifestaient à l’extérieur. La rencontre avec les militants de l’UMP n’était donc pas représentative d’un rassemblement des citoyens de tout bord. D’autant que, fidèle à lui-même, le chef de l’État a pris la défense de la fameuse majorité silencieuse, « celle qui ne manifeste pas ». Elle existe sans aucun doute, mais la gauche pourra toujours dire au président qu’il ne s’adresse qu’à son camp, lequel souffre moins de la crise que les ouvriers licenciés par centaines et par milliers, pendant que se goinfrent les patrons qui décident ces licenciements.
Un scandale sans limites.
M. Sarkozy n’a pas dit ce qu’à peu près tout le monde en France attend de lui, à savoir qu’il lancerait un projet de loi pour réguler les stocks options, les bonus et les parachutes dorés. Même la patronne des patrons, Laurence Parisot, s’est emportée contre l’ex-P-DG de Valeo, qui est parti avec 3,2 millions d’euros. Malheureusement, le scandale ne connaît pas de limites : le pire, dans ce concours de cynisme, c’est peut-être la fine équipe de Cheuvreux, filiale du Crédit agricole, qui n’avait pas plutôt renvoyé 75 employés qu’elle se versait 51 millions de bonus. Conclusion : pendant que M. Sarkozy condamne verbalement ces actes de forfaiture, les dirigeants d’entreprise continuent de recevoir des bonus et autres avantages, même quand leurs affaires coulent, même quand des salariés sont jetés à la rue, même quand c’est avec l’argent du contribuable qu’ils renflouent leurs entreprises.
Ces comportements abjects ne nous inspirent pas une colère moins vive que celle des victimes. Il n’empêche qu’on est entré dans un débat qui n’est qu’une annexe de la crise. Il s’agit en effet de morale, mais, pourrait-on dire, seulement de morale. Ce n’est pas en privant tous les managers de leurs stock-options, de leurs bonus et leurs parachutes dorés qu’on refinancera les banques ou les sociétés déficitaires. Le danger contre lequel il est urgent de se prémunir, ce n’est pas le cynisme des patrons (de certains patrons, pas de tous). C’est le chômage, la chute de la consommation, le reflux des exportations. On reproche à Nicolas Sarkozy de n’avoir pas au moins confirmé qu’une loi serait adoptée pour en finir avec le pillage par les managers de leurs propres compagnies. Il aurait dû annoncer un tel projet de loi. S’il hésite, ce n’est pas du tout par compassion pour les profiteurs. Cela fait des mois qu’il prononce à leur sujet des jugements sans appel et on ne saurait penser qu’il éprouve pour eux une quelconque sympathie. C’est contre les patrons que la veine populiste du pouvoir s’est le mieux exprimée. Peut-être M. Sarkozy pense-t-il au jour où la croissance reprendra et où il sera difficile de trouver des dirigeants compétents parce qu’ils ne seront pas assez payés. Il nous semble que cet argument ne vaut plus rien, car la vraie compétence exclut la cupidité et la malhonnêteté.
La gauche souligne, à juste titre, que les États-Unis ont adopté une loi qui taxera à 90 % la tranche des revenus supérieure à 250 000 dollars. D’abord, le projet a été adopté par la Chambre et le Sénat risque de le rejeter. Ensuite, il n’y a pas de bouclier fiscal aux États-Unis. Il est donc difficile en France d’adopter la même mesure. Mais, au terme du débat, pourquoi ne pas interdire tout simplement la pratique des avantages financiers exorbitants ? Barack Obama lui-même a dit qu’il n’était pas favorable à un texte de loi conçu uniquement pour atteindre une petite catégorie de personnes. C’est peut-être ce qui retient M. Sarkozy ; la colère populaire risque de conduire à des gestes que nous pourrions regretter par la suite.
La conclusion est que les deux sujets, celui de la moralisation du business et celui de la remise en route de la machine nationale sont distincts et ne doivent pas être confondus. L’action politique peut néanmoins être conduite avec diligence dans les deux domaines. Si l’éthique suffisait à déterminer les comportements, il n’y aurait pas de voleurs et on n’aurait pas besoin de lois pour les réprimer. Il en va de même pour certains patrons qui devront bien admettre que, s’ils ne voient pas de limite à ce qu’ils méritent de gagner, n’en sont pas moins, comme nous tous, de simples humains.
RIEN N’EMPÊCHE D’INTERDIRE DÈS AUJOURD’HUI LES BONUS ET STOCK-OPTIONS
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