LE DÉCRET n° 2011-382 du 11 avril 2011 publié au « Journal officiel » du 12, avec entrée en vigueur immédiate, signe la fin des pratiques proposées, en alternative à la lipo-aspiration, notamment en médecine esthétique, pour affiner la silhouette. Le texte interdit toutes les techniques de lyse adipocytaire à visée esthétique qu’elles soient invasives comme la mésothérapie ou non invasives comme la radiofréquence ou les ultrasons. La décision a été prise par le ministère de la Santé à la suite de l’évaluation réalisée, à sa demande, par la Haute Autorité de santé en raison du « danger grave » ou de la « suspicion de danger grave » pour la santé humaine que présente la mise en œuvre de ces techniques. Sont concernées : les injections de solutions hypo-osmolaires, les injections de produits lipolytiques (phosphatidylcholine ou désoxycholate de sodium), les injections de mélanges mésothérapeutiques, la carboxythérapie, le laser transcutané sans aspiration mais aussi toutes les techniques utilisant des agents physiques externes (ultrasons focalisés, lasers, infrarouges, radiofréquence).
Loi HPST.
Le Pr Laurent Lantieri, le premier à avoir alerté sur le danger que pouvaient représenter certaines de ces techniques, salue cette décision. « J’avais d’abord été satisfait qu’il existe désormais une possibilité légale d’interdire de telles pratiques quand elles présentaient un danger pour la santé grâce à l’amendement voté avec la loi Hôpital santé patients et territoires », se réjouit-il dans « le Quotidien ». La loi HPST de juillet 2009 (article 61) prévoit notamment que les actes à visée esthétique « dont la mise en œuvre présente un danger grave ou une suspicion de danger grave pour la santé humaine peuvent être interdits par décret après avis de la Haute Autorité de santé. Toute décision de levée de l’interdiction est prise en la même forme. »
C’est donc dans ce cadre qu’a été sollicitée la HAS. « Les choses ont avancé. Le rapport est extrêmement clair et l’action, immédiate », relève le Pr Lantieri. S’il reconnaît que le texte peut être « radical », notamment en ce qui concerne les méthodes non invasives, il en souligne la clarté : « "La médecine esthétique" n’est pas pour moi, une spécialité. Le fondement de la médecine, c’est de soigner les gens. Je n’ai rien contre la cosmétique en général – les gens ont le droit de chercher à être beau –, mais le fondement de la médecine, c’est de soigner des malades. De plus, on a essayé de vendre à des patients des procédés de plus en plus invasifs et qui n’ont jamais été évalués. »
Effet Mediator.
Du côté des professionnels de la médecine esthétique et de certains dermatologues, c’est la consternation.
« C’est un sale coup porté à la médecine esthétique », estime le Dr Antoine Lorcy, vice-président de la Société française de médecine esthétique (SFME), une des sociétés savantes à avoir été entendue par le HAS. Son président, le Dr Jean-Jacques Legrand, juge la décision « aberrante » et se dit surpris de l’étendue de l’interdiction. « Il est clair que certaines techniques invasives doivent être interdites, et nous étions d’accord. En revanche, nous ne comprenons pas l’interdiction des méthodes non invasives. Le rapport de la HAS souligne d’ailleurs qu’aucune complication n’a été rapportée avec ces techniques. La décision est incompréhensible, d’autant plus que, au mois de décembre, la HAS semblait aller dans le sens du maintien de ces techniques externes. »
D’aucuns comme le Dr Jean-Luc Vigneron, président de la Société française de dermatologie chirurgicale et esthétique, y voient un effet Mediator. « Les autorités donnent maintenant de grands coups de volant. Nous n’avons rien vu venir, tellement c’est gros. » S’il comprend l’interdiction de la phosphatidylcholine, dont l’usage a été détourné, il admet mal celui du déoxycholate de sodium, qui, affirme-t-il, « fait actuellement l’objet d’une grande étude multicentrique ». Comme d’autres, il reproche aux autorités d’avoir tout mis dans un même sac et juge l’élargissement aux techniques non invasives « non fondé sur le plan scientifique ». Sur le plan économique, « c’est la catastrophe pour beaucoup qui se sont endettés pour acheter des appareils qui coûtent chers », souligne-t-il. Il exerce près de Saint-Paul-de-Vence et de 15 à 20 % de son activité est concernée. Beaucoup, assure-t-il, ont des « mensualités de 3 000 à 3 500 euros à rembourser » et comment faire « alors que vous n’avez plus de patients ». Face à ce « coup de tonnerre », il envisage déjà « d’ouvrir un centre de radiofréquence de l’autre côté de la frontière ».
Le Dr Gérard Toubel, président du Groupe Laser de la Société française de dermatologie, laquelle a aussi été entendue par la HAS, s’étonne de même des conclusions du rapport de la HAS alors que la littérature ne décrit aucun accident grave avec les techniques externes non ivasives. Selon lui, une telle interdiction est « une perte de chance pour un patient qui pourrait bénéficier d’une technique simple sans risque et beaucoup plus économique pour lui ». Des patients pourraient être amenés à se faire prendre en charge en dehors de la France et « dans des conditions de sécurité non garanties ». Le groupe demande à être entendu par la HAS.
Le Dr Christian Bonnet, président de l’Association de mésothérapie et de médecine esthétique (AMME) hurle son incompréhension : « Vingt-trois cas ont été rapportés en France sur des millions d’injections et parmi eux, 16 relèvent d’une faute médicale reconnue. Combien d’accidents ont été rapportés avec la liposuccion ? » De là à voir dans la décision une influence d’un lobbying des chirurgiens esthétiques contre la médecine esthétique, il y a un pas que le praticien n’est pas loin de franchir.
Une voix divergente.
Dans ce concert de protestations, le Dr Julien Eschermann fait entendre une voix quelque peu divergente. S’il émet quelques réserves sur l’élargissement aux techniques non invasives il dit cautionner parfaitement le décret et le soutenir. Il est conscient que sa position est loin d’être majoritaire, alors qu’il préside du Syndicat national des médecins esthétiques, majoritaire dans la profession : « Je risque de perdre des adhérents mais j’assume ce risque », assure-t-il. Car, ajoute-t-il, « il me paraît plus que nécessaire, si on veut professionnaliser et sécuriser nos pratiques, de faire une croix sur toutes les pratiques douteuses ». Son combat désormais : « Que les médecins obtiennent de nouveau le droit de réaliser des lipoaspirations, une possibilité qui leur a été ôtée en 2006. » C’est à cette date « qu’ont émergé certaines de ces techniques douteuses et qu’on a vu fleurir des centres médicaux à visée tout à fait lucrative dans lesquels travaille un personnel pas forcément qualifié sous la responsabilité de médecins pas toujours présents ».
D’autres luttes attendent la médecine esthétique, toujours en attente d’un décret sur les territoires d’intervention de chacun, comme le prévoit la loi HPST. Le Pr Lantieri a déjà prévenu : « La lipoaspiration est un acte chirurgical. Il faut quinze ans pour former un chirurgien ou un plasticien. Cela ne s’apprend en deux semaines sur un coin de table. »
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