AU BOUT d’un couloir de l’hôpital Saint-Louis (AP-HP), une poignée de personnes sont assises dans la salle d’attente. D’un box s’échappent les paroles des infirmières, qui tentent de rassurer un jeune étranger inquiet de son lipome. « C’est une boule de graisse bénigne, cela ne s’opère pas. » Et de réitérer leurs explications rassurantes, en français et en anglais.
Consultation suivante, une bénévole accompagne un Afghan de 20 ans, cassé par une histoire douloureuse et des travaux physiques éreintants, arrivé en France 12 jours auparavant, sans aucun papier d’identité. Il vient pour un mal de dos. Le patient est évalué avec le médecin. Son état n’étant pas préoccupant cliniquement, l’infirmière lui donne rendez-vous deux jours plus tard en consultation. D’ici là, son homologue de Médecins sans frontières, une des organisations avec laquelle la PASS travaille, avertie par téléphone, fournira au patient du Doliprane. L’entrevue n’a duré qu’une dizaine de minutes, qui ont paru de l’or au jeune homme, reconnaissant et soulagé qu’on prenne en compte sa douleur.
Toute la matinée, les deux infirmières de coordination jonglent entre les rendez-vous programmés et les visites spontanées qu’elles inscrivent sur l’emploi du temps des 2 médecins généralistes. Elles reçoivent également les personnes réorientées par les urgences de l’hôpital qui ne nécessitent pas de soin immédiat. Elles délivrent les bons de commande des médicaments distribués à la pharmacie de l’hôpital. Surtout, elles écoutent les patients, en se penchant toujours sur leur situation sociale. Bénéficient-ils de la couverture maladie universelle (CMU) ou de l’Aide médicale d’État (AME) ? Leurs droits à l’assurance-maladie sont-ils ouverts ? Faut-il simplement mener les démarches pour les rétablir ? Ont-ils les moyens financiers de se déplacer jusqu’à l’hôpital Saint-Louis ? Afin d’aider les patients dans ces démarches administratives, les infirmières les orientent vers les 2 assistantes sociales attachées à la PASS. Les interprètes (pour le turc et l’arabe) interviennent à la demande. Si besoin, l’hôpital a recours à un service d’interprétariat par téléphone. La PASS, qui décloisonne le social et le sanitaire est ainsi une deuxième porte d’entrée dans le système de soin pour les plus démunis.
Trier et orienter.
Si les consultations se succèdent sans anicroches et que l’attente, pour les patients, est réduite, malgré la complexité des situations, c’est que les infirmières d’orientation opèrent avec célérité. « Dans la PASS, elles prennent le temps de distinguer les cas et de reporter les rendez-vous si besoin est », explique le Dr Claire Georges, praticien hospitalier, responsable médicale de la consultation Verlaine. Cela permet d’organiser au mieux les recours aux soins et d’éviter un « engorgement ». S’il y a urgence, en revanche, le patient peut voir dans le « délai le plus adapté » un spécialiste de l’hôpital.
Le Dr Georges insiste sur l’importance du caractère hospitalier du dispositif. « Il ne s’agit pas d’un dispensaire qui pourrait être déplacé à l’extérieur. C’est nécessaire d’être dans l’hôpital pour recourir sans délai aux consultations spécialisées, aux examens complémentaires et aux médicaments afin d’éviter un surcoût lié au retard de traitement pour des personnes qui viennent souvent avec des pathologies avancées. Et le cadre hospitalier rassure ». Aussi quand une jeune Géorgienne de 20 ans, en provenance de la Turquie, avec une récidive de leucémie est arrivée dans le service avec 5 000 plaquettes, elle a immédiatement été reçue par l’hématologue et transfusée.
La mise en place d’un traitement fait également l’objet de distinctions. Lorsque les personnes ont une couverture sociale, ils paient la consultation de la PASS (23 euros) et sont réorientés vers des médecins de secteur 1 ou des centres médicaux. « Nous essayons d’être le maillon qui manque entre l’hôpital hautement spécialisé et la médecine de ville », explique Claire Georges. Mais tant que la personne n’a pas de droits, elle ne peut aller ailleurs. « On ne renvoie pas des patients gravement malades, en situation complexe, chez les médecins de ville déjà débordés. Nous essayons d’abord d’apaiser les problèmes médicaux et sociaux, et pour cela, de tisser un lien de confiance ». Dans tous les cas possibles, l’ambulatoire est préféré à l’hospitalisation. « Nous sommes conscients des restrictions budgétaires actuelles et l’hospitalisation coûte cher, sans pour autant résoudre les problèmes à long terme ».
Laboratoire éthique.
Ne jamais traiter que l’aspect médico-technique, tel est le credo de la PASS. Dans cette perspective, les problèmes éthiques ne manquent pas de se poser, où il faut mettre dans la balance l’intérêt du patient et le coût pour le système. « Nous essayons d’être le plus juste possible, et de considérer l’intérêt de la personne avant tout » souligne le Dr Claire Georges. Dans ces situations compliquées, la PASS réunit médecins et travailleurs sociaux pour proposer la solution la plus éthique, qui prenne en compte chacune des dimensions, médicale, sociale, humaine, familiale, ou financière du problème.
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