C’EST LE RÉGIME social des indépendants (RSI) qui a sollicité l’INSERM (www.inserm.fr) afin de disposer d’un bilan des connaissances scientifiques sur le stress d’origine professionnelle chez les travailleurs indépendants. L’expertise collective, menée par 14 spécialistes (sociologie du travail, santé publique, épidémiologie, économie de la santé, psychosociologie, santé mentale et neurosciences), a analysé près de 1 500 articles. Elle a porté plus particulièrement sur les données existantes sur les indépendants, c’est-à-dire les non-salariés, qu’ils soient employeurs ou non, hors exploitants agricoles.
Quelle que soit l’approche disciplinaire, « le stress peut être considéré comme un élément d’un processus complexe, à la fois biologique, psychologique et social en réponse à une situation aversive », rapellent les experts. Maladies cardiovasculaires, troubles musculo-squelettiques, accidents du travail, troubles anxieux et dépressifs, comportements à risque et épuisement professionnel sont autant d’effets du stress sur la santé.
En France, selon les données de l’INSEE (2008), 10,8 % des actifs sont non-salariés, soit 2,8 millions d’individus, dont plus de la moitié ne sont pas employeurs. Cette population de travailleurs, qui recouvre des réalités très diverses, peut être divisée en trois grandes familles professionnelles : commerçants (42 %), artisans (40,5 %) et professions libérales (17,5 %). En moyenne, les non-salariés sont plus âgés que les salariés : 45,5 ans contre 39,5, les femmes étant deux fois moins nombreuses que les hommes.
Les indépendants présentent une mortalité (à âge égal) plus faible que la moyenne de la population française. À l’âge de 35 ans, l’espérance de vie est de 44,4 ans pour les hommes et de 50,1 ans pour les femmes pour une moyenne nationale respectivement de 42,8 et de 48,8 ans. Globalement, leur état de santé semble plutôt satisfaisant. À âge et sexe égaux, les indépendants (affiliés au RSI), se déclarent en meilleure santé que les personnes appartenant au régime général. Cet état de santé peut sans doute expliquer des taux d’absentéisme plus faibles : 8,2 % d’arrêts de travail en moyenne pour les indépendants, contre 20 % pour les salariés à temps plein au cours des douze derniers mois. Mais la crainte de perdre son travail, la pression financière ou celle de la clientèle peuvent être « autant de facteurs dissuasifs de déclaration des arrêts de travail pour le travailleur indépendant », précisent les experts. La prévalence des affections de longue durée (ALD) au sein de la population masculine du RSI est nettement en dessous de la moyenne pour les professions libérales et les autres catégories d’artisans et commerçants. Concernant les professions médicales, leur santé physique est similaire à celle de la population générale. En revanche, les experts relèvent que la fatigue, le stress, le risque de burnout, les problèmes de santé mentale ainsi que le suicide semblent plus fréquents. Même si les caractéristiques de l’état de santé des indépendants dépendent plus de la profession que du statut d’indépendant en tant que tel, « ces différentes études confirment l’existence d’un stress, ou la perception d’un stress chez les indépendants ».
Horaires et solitude.
Parmi les facteurs de stress majeurs liés au travail, on trouve notamment les horaires de travail, « lorsqu’ils sont longs et étendus ou encore atypiques » (travail le week-end). Le nombre d’heures hebdomadaires en moyenne est bien plus élevé chez les indépendants : ils travaillent en moyenne 53 heures par semaine (les employeurs travaillant 57 heures) contre 38 pour l’ensemble de la population active. « Au-delà de l’augmentation du risque d’accidents, les horaires étendus ont des conséquences à plus long terme sur l’état de santé général et augmentent le risque de maladies cardiovasculaires mais l’effet semble atténué lorsque le travail indépendant correspond à un choix », constatent les experts.
En matière d’exigences du travail, le rythme et l’intensité du travail des non-salariés ne semblent pas plus élevés que ceux des salariés. Mais la plupart des non-salariés étant au contact du public (comme les professions médicosociales), les exigences émotionnelles de leur travail peuvent être élevées. La reconnaissance des patients les place « dans une situation de plus grande vulnérabilité au risque d’épuisement professionnel ». En contrepartie de leur autonomie et d’une absence de routine, les indépendants subissent une plus grande solitude. L’incertitude quant au revenu et sa variabilité d’un mois à l’autre peuvent aussi constituer une source importante de stress tout comme le sont les violences au travail caractérisées par leur répétition et leur durée.
Les experts estiment nécessaire d’agir en amont sur les conditions d’organisation du travail afin de « garantir au mieux la santé des salariés comme des non-salariés ».
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