Un « camouflet », une « claque » pour Marisol Touraine selon certains, un caillou dans sa chaussure pour d’autres. La décision du Conseil constitutionnel (saisi par l’opposition) d’invalider partiellement la réforme du tiers payant généralisé, en ne validant l’obligation que pour la part Sécu du paiement, est en tout cas un désaveu pour le gouvernement qui avait fait de cette réforme un marqueur politique. « C’est le tiers payant intégral que nous instaurons, les Français ne paieront plus chez le médecin », avait proclamé Marisol Touraine, en juin 2014, dans un entretien au « Monde ». C’est raté.
De fait, c’est bien la dispense intégrale d’avance de frais pour tous les patients en 2017 qui a été retoquée par les juges de la rue de Monpensier, ouvrant la porte à un système hybride – bancal ? – où l’exonération ne sera que partielle (part Sécu), limitant la portée de cette réforme promise par François Hollande. « C’est une épine dans le pied mais pas un revers, et surtout une vraie surprise », confie le Dr Claude Pigement, ex responsable santé du PS, proche de Marisol Touraine.
Certains arguments des médecins validés en creux
L’analyse détaillée du Conseil constitutionnel ne manque pas de piquant. Les magistrats estiment que la généralisation du tiers payant est conforme à la Constitution pour la part remboursée par l’assurance-maladie obligatoire puisque le dispositif est ici solidement encadré (modalités, délai de paiement, pénalités en cas de retard, fourniture aux médecins d’informations sur le suivi de paiement).
En revanche, c’est là que le bât blesse, ce cadre sécurisé n’existe pas pour l’application du tiers payant généralisé à la part remboursée par les complémentaires. Ce ne serait qu’un vœu pieux de la loi Touraine. « En se bornant à édicter une obligation relative aux modalités de paiement (...) sans assortir cette obligation des garanties (...), le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence », assène le Conseil constitutionnel. Autrement dit, le gouvernement (souvent accusé de trop réguler...) aurait dû accompagner le tiers payant intégral de garanties claires, y compris pour le volet complémentaire, le plus risqué techniquement.
C’était un des arguments avancés par les médecins depuis des mois : le TPG intégral se transformera en usine à gaz administrative (vérifications des droits, double facturation, impayés). De ce point de vue, la décision du Conseil constitutionnel a été saluée comme une victoire par la profession (lire ci-dessous) même si le corps médical s’est mobilisé en réalité contre le principe même du tiers payant imposé y voyant mille maux (perte d’indépendance, risque d’aliénation aux mutuelles, salariat). Pour la plupart des syndicats, le combat pas terminé.
Pas de nouvelle loi
Et maintenant ? Face à ce revers, le gouvernement aurait pu reprendre la main en légiférant à nouveau (PLFSS 2017) sur le volet complémentaire du tiers payant intégral. Cette voie a été écartée par l’exécutif, peu désireux de souffler sur les braises médicales.
Marisol Touraine, pragmatique, a préféré réaffirmer que le tiers payant deviendrait « un réflexe et une habitude » pour les praticiens. Méthode Coué ? « Ma conviction » est que les médecins se diront qu’il sera plus simple de « pratiquer le tiers payant global pour l’ensemble de la consultation », que cela « facilitera leur comptabilité », a commenté la ministre.
En pratique, c’est l’étape fatidique du 30 novembre 2017 (le droit au tiers payant intégral pour tous) qui a été censurée. Au 31 décembre 2016, la dispense d’avance de frais restera un droit pour les patients couverts à 100 % par la Sécu, soit 15 millions de Français (femmes enceintes, malades en ALD). Mais en 2017, le tiers payant se fera « à la carte » pour la part complémentaire, par les médecins qui le souhaitent, au risque de rendre la réforme peu lisible pour les patients.
La Mutualité française, très engagée sur le dossier, a aussitôt souligné que l’enjeu serait d’offrir aux médecins volontaires un « outil simple qui permette un tiers payant intégral ». Son président Étienne Caniard, juge « dommage pour les patients » le rejet du dispositif initialement prévu.
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