Effet générationnel – sans doute aggravé par le post-COVID – les médecins libéraux français prennent, semble-t-il, de plus en plus de vacances : de 5,3 semaines en 2010, ils sont passés à 6,2 en 2019 (1) et ce chiffre pourrait être dépassé en 2022 si on en croit les groupes de médecins sur Facebook. Ce sujet ne fait pas recette auprès des jeunes thésards car rares sont les études menées récemment sur le sujet (2). Pourtant, de plus en plus de praticiens font part sur les réseaux sociaux de réactions négatives de patients à l’annonce ou au retour de leurs semaines de pause estivale : « patient pas content, menace de quitter le cabinet », « on peut crever, vous vous prenez du bon temps », « en pleine crise des urgences vous trouvez que c’est bien de nous abandonner », « quoi ? vous êtes encore en congés »…
Il faut dire que les patients avaient pris l’habitude dans les années 1990-2000 que les médecins ne quittent leurs cabinets que s’ils avaient trouvé un remplaçant. Ce qui n'empêchait pas les remplaçants en question de faire part du mauvais accueil des patients face à « quelqu’un qui ne connaît pas le dossier », « qui est trop jeune », « qui n’a pas les mêmes horaires de consultations », voire « qui remet en question les traitements que mon médecin qui me connaît depuis 25 ans me donne ». La tendance s’est modifiée par la suite avec des arrangements entre praticiens d’un même territoire qui référaient leur patientèle à des confrères du voisinage pendant leur absence. Aujourd’hui, les médecins libéraux n’ont plus honte d’affirmer qu’ils prennent des vacances comme les autres travailleurs et qu’il est impossible d’exiger « un médecin qui travaille 365 jours par an ».
Les praticiens français plus gâtés que les Américains
Les médecins de l'Hexagone sont-ils particulièrement gâtés en termes de vacances ? En Grande-Bretagne, la moyenne de congés annuels est de 5 semaines. Aux États-Unis, WebMD (3) procède chaque année à des enquêtes sur les temps de décompression et leur finalité. Dans ce pays où 80 % des patients estiment que leurs médecins sont stressés voire en burn-out (4) et où la moitié d’entre eux déconseilleraient à leurs enfants de faire des études de médecine, 25 % des praticiens prennent seulement une ou deux semaines de vacances par an (contre 28 %, 5 semaines). Les médecins interrogés privilégient les courtes durées de vacances (7 à 10 jours d’affilée) et, un peu comme leurs patients, ils aiment les séjours balnéaires (57 %) et/ou les vacances à l’étranger (44 %). Le camping et les croisières ne font pas recette en revanche.
Vacances riment-elles avec décompression ? Seuls 38 % des médecins américains se disent effectivement reposés après leurs congés et 15 % pas du tout. Pour les 47 % restants, tout dépend des sollicitations auxquelles ils ont été confrontés pendant leurs vacances car la moitié d’entre eux continuent à travailler souvent ou assez souvent (répondre aux mails pour 81 %, aux SMS pour 68 %, aux appels téléphoniques pour 47 %, d'autres en profitant pour classer les dossiers de patients et les examens complémentaires…). Seuls 12 % débranchent totalement et sont injoignables pour leurs patients et leurs confrères.
Une étude réalisée auprès de consœurs dans des groupes facebook et publiée en 2022 (5) montre que les médecins femmes ont encore plus tendance que les hommes à ne pas s’accorder de temps totalement libre pendant leurs vacances : pas moins de 94,4 % seraient dans ce cas, bien que les trois quarts (73,3 %) sachent que ce choix est préjudiciable pour leur santé mentale.
Les choses seraient-elles en train de changer ? En tout cas, alors qu’en 2022, les médecins américaines estiment à 37,5 % qu’elles sont en burn-out et que 58,4 % ne sont pas satisfaites de leurs conditions de travail, l’épidémie de Covid a changé leur avis sur la répartition temps de travail/vacances. Elles souhaitent désormais prendre au moins une semaine de vacances supplémentaires chaque année. Les auteurs de cette étude concluent que des femmes qui ont pris conscience des risques psychologiques de l’absence de temps de repos dans leur carrière doivent désormais mettre en avant leur expérience pour aider les plus jeunes à ne pas sombrer dans le burn-out ou la tentation de changer d’orientation.
(1) https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/er1113.pdf Feng Me Hu.
(2) Thèse Organisation du temps de travail en médecine générale : étude transversale menée auprès des médecins généralistes libéraux et mixtes en Ille-et-Vilaine
(3) https://www.medscape.com/viewarticle/976333
(4) https://www.prnewswire.com/news-releases/domino-effect-wheel-survey-fin…
(5) Marshall A, Elafros M, Duma J. Work Patterns of Women Physicians During Vacation: A Cross-Sectional Study. Journal of Women's HealthVol. 31, No. 4https://doi.org/10.1089/jwh.2021.0100
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