C'est une proposition de la CNAM qui risque de faire grand bruit dans les hôpitaux. Nichée dans son nouveau rapport dit « charges et produits », qui documente son plan d'action pour 2019, l'assurance-maladie recommande au gouvernement de durcir sensiblement la politique des seuils d'activité en cancérologie (permettant une autorisation).
« La politique de seuil initiée en France en 2007 a donné des résultats très positifs et mérite d’être poursuivie et renforcée, peut-on lire. L’assurance-maladie propose que les seuils d’activité pour la chirurgie du cancer du sein soient relevés de 30 à 150 cas par an, pour rejoindre les pratiques de nos voisins européens. »
Sur-mortalité et pratiques variables
Comment en est-on arrivé là ? La France se distingue aujourd'hui de la plupart de ses voisins avec un seuil « particulièrement bas » en chirurgie carcinologique mammaire : il est fixé (théoriquement) à 30 interventions minimum par établissement et par an – contre 100 ou 150 en Angleterre, Allemagne, Espagne, Belgique ou Italie. En réalité, 159 établissements français en dessous du seuil de 30 séjours ont quand même une activité de chirurgie de cancer du sein…
Or, l'analyse des pratiques chirurgicales pour cancer du sein (entre 2012 et 2014) et de la survie des patientes (grâce au Système national des données de santé – SNDS) démontre clairement le lien entre surmortalité et faibles volumes. Ainsi, « les femmes opérées dans un établissement avec une activité de moins de 30 séjours par an avaient un risque de décès supplémentaire de 84 % par rapport aux femmes opérées dans un centre de plus de 150 séjours par an », peut-on lire.
Le taux de mortalité l'année suivant la chirurgie est même doublé dans les établissements en dessous du fameux seuil de 30 interventions par rapport aux hôpitaux prenant en charge plus de 100 patientes par an (et de 20 à 30 % supérieure dans ceux ayant une activité intermédiaire).
Une étude spécifique avec retour au dossier confirme que la variabilité des pratiques de prise en charge des cancers du sein est corrélée aux volumes d'activité. Par exemple, les établissements ayant une activité de moins de 50 actes par an affichent un taux de réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP, à laquelle participent au minimum trois médecins de spécialités différentes) « plus bas » que les autres établissements (19 % contre 30 % entre 50 et 100 séjours et 36 % au-delà de 150 séjours). Il en va de même pour les techniques chirurgicales employées : la part de curages non indiqués, ou encore la part des mastectomies totales non indiquées, est plus élevée dans les établissements à faible volume d'activité.
Autorisations sur plusieurs sites et bonus à la qualité
Si la proposition phare de la CNAM était retenue, l'instauration de seuils d'activité plus élevés devrait s’accompagner du renforcement de la capacité des établissements placés au-dessus du seuil à prendre en charge les patientes concernées. Cela suppose « la mise en place de filières d’adressage permettant un accès équitable à ces centres à haut volume », analyse la CNAM. « Des autorisations réparties sur plusieurs sites pourraient être envisageables, dès lors que ces démarches reposent sur un projet médical partagé et surtout une démarche qualité commune et évaluée », complète le rapport.
Mais surtout, la CNAM propose d'aller plus loin en mobilisant le levier tarifaire. Elle recommande ainsi d'expérimenter dans les établissements un mode de financement alternatif favorisant le respect des seuils d’activité en cancérologie, et plus largement la mise en place de démarches d’assurance qualité. Il s'agirait de tester un financement « basé sur la qualité prouvée » pour la prise en charge du cancer du sein (et du cancer de l’ovaire).
Cette nouvelle composante « qualité » serait introduite directement dans les tarifs – distincte de la réalisation de l’acte – et « versée uniquement aux établissements, aux équipes ou aux chirurgiens qui satisfont à ces critères d’assurance qualité, incluant à minima le respect des seuils ». Du grain à moudre pour le gouvernement qui prépare une réforme de la tarification hospitalière…
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