DEUX ENJEUX s’imposent comme un préalable dans la prise en charge du suicide : « Comprendre les rôles exercés par les entourages lors de la crise suicidaire et favoriser leurs implications dans la prévention. Comprendre l’impact de la crise suicidaire sur ces entourages et participer au soutien à leur apporter », résume Françoise Facy, présidente de l’Union nationale pour la prévention du suicide (UNPS). La présidente de l’UNPS insiste sur cette notion de pluralité des entourages du patient : familles, amis, collègues, voisins, soignants, institutions, associations. « Plus ou moins distincts, ils constituent un réseau complexe avec des interférences multiples et mouvantes », souligne la directrice honoraire de l’INSERM en ouverture du colloque organisé mardi au ministère de la Santé, point d’orgue des 17e journées nationales de la prévention du suicide qui se déroulent jusqu’au début du mois de mars dans toute la France.
Pour le Pr Michel Walter président du Groupement d’Études et de prévention du suicide (GEPS), toute action de prévention, se doit de ne pas négliger l’articulation entre le premier cercle (les proches) et celui des intervenants en charge des soins. Mais sur le terrain beaucoup reste à faire.
Concurrence inconsciente.
Dans les institutions hospitalières ou associatives qui s’occupent d’enfants ou d’adolescents, le Dr Serge Hefez constate une tendance à se substituer à la famille, avec une concurrence « inconsciente » plus ou moins marquée vis-à-vis du premier cercle. « Il est très difficile d’échapper à ce type de situation et à mettre en place des processus collaboratifs », témoigne ce responsable de l’unité de thérapie familiale dans le service Psychiatrie l’enfant et adolescent de l’hôpital La Pitié-Salpêtrière (Paris). « La première chose est de sortir de cette stigmatisation en considérant la famille » avec ses compétences complémentaires de celles des professionnels, ajoute le psychiatre. En pratique, il convient de mettre en place des entretiens familiaux avec des représentants de l’institution formés pour travailler sur le système élargi considère le Dr Hefez qui illustre ses propos en évoquant le cas de deux de ses patients : « chez une jeune adolescente de 14 ans, quelque chose dans sa dynamique suicidaire est relié à son histoire familiale, avec des suicides et des morts à tous les échelons. Il y a quelque chose de mortifère qui se transmet dans l’organisation verticale de la famille et qui échappe à tout le monde. Le travail avec la famille est ici un travail sur l’histoire », indique le psychiatre qui enchaîne avec le cas d’un autre adolescent issu de « recompositions familiales », avec trois pères et deux mères qui sont pour lui réellement importants dans sa dynamique. « Un jour, il y a un clash dans cette constellation familiale et tout éclate pour l’adolescent. Dans cette situation, réunir la famille, c’est prendre en compte sa réalité horizontale », au-delà de la composante biologique.
Place du généraliste.
Dans la prévention du suicide, « toute personne ayant acquis une compétence, ne peut mettre cette compétence en pratique si elle reste seule. Les compétences de chacun ne peuvent s’exprimer que si chacun est lié à l’autre », insiste le Pr Walter. La prise en compte d’un suicide repose inévitablement sur l’idée d’un réseau où le généraliste est comme toujours un acteur incontournable. D’autant que « la ressource médecine générale » demeure le premier recours en cas de crise et de problématique psy, rappelle le Dr Jean-Luc Gallais, médecin généraliste. « Sept personnes sur dix continuent d’avoir le même médecin dit de famille depuis plus de cinq ans », ce qui signifie « une continuité relationnelle et informationnelle qui peut être mise à profit », dans une démarche préventive souligne le Dr Gallais. « L’histoire du trouble psychique est rarement un coup de tonnerre dans un ciel serein mais c’est un processus qui s’inscrit dans le temps. La question pour le généraliste, est surtout de savoir à quel moment on tend l’oreille différemment car le risque n’apparaît pas aussi brutalement que dans les situations de crise », poursuit-il. « Moins de 10 % des suicidants parlent spontanément de leur intention de mettre fin à leurs jours », souligne le Pr Michel Walter. Qu’il s’agisse du cercle professionnel ou du cercle profane, il faudrait dans la prévention du suicide, « passer d’une réflexion centripète à une réflexion centrifuge », en allant au-devant de la demande vers les personnes qui souffrent, conclut-il.
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