Comment accueillir les réfugiés ukrainiens et quels soins prodiguer en priorité ? Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) publie un avis pour guider les autorités et les professionnels de santé dans la prise en charge de ces populations (plus précisément, il s'agit de la réactualisation d'un précédent travail de 2015 au regard du contexte actuel).
Les Ukrainiens arrivant en France peuvent faire la demande d'une protection temporaire qui permet d'ouvrir rapidement des droits à la protection universelle maladie (Puma) ainsi qu’à une complémentaire santé solidaire (CSS), sans délai de carence. En l'absence d'une telle démarche (en préfecture), ils peuvent résider 90 jours sur le territoire français. Dans un récent communiqué, le Comité consultatif national d'éthique soulignait « le caractère universel du devoir de fraternité à l’égard de tous les migrants ou réfugiés, quels que soient les pays d’où ils proviennent et les causes de leur départ. » Déjà en 2017, son avis 127 rappelait notre devoir d'hospitalité et les principes d'un accueil digne des migrants.
Un premier accueil pour traiter l'urgence
Dès l'arrivée sur le territoire des personnes migrantes d'Ukraine, il s'agit d'assurer les soins d'urgence : évaluer les signes évocateurs d’une maladie infectieuse transmissible (toux, fièvre et/ou diarrhée en particulier), ainsi que les besoins immédiats (violences subies, troubles psychiques), prévenir les risques de rupture médicamenteuse (diabète, anticoagulant, contraception…) ou de perte de dispositifs médicaux (lunettes, appareils auditifs…).
Un suivi de grossesse doit être mis en place pour les femmes enceintes ; quant aux nourrissons, ils doivent être pris en charge en centre de protection maternelle et infantile (PMI) et recevoir des couches et du lait maternisé.
Vacciner contre le Covid et les maladies transmissibles
Le HCSP met ensuite l'accent sur le rattrapage vaccinal, contre le Covid, d'abord. Mi-février, seulement 35,6 % de la population ukrainienne avait un schéma vaccinal complet (seulement 1,7 % un rappel). Les experts demandent donc de pallier les manques, en fonction des vaccins administrés : les personnes ayant reçu Sinovac doivent se voir administrer au moins une dose de vaccin ARNm en France, voire deux quand il s'agit du Spoutnik.
Les médecins doivent aussi regarder la vaccination contre l'ensemble des maladies transmissibles, en particulier, la diphtérie (seulement 19 % de couverture vaccinale, dans certaines régions), le tétanos, la poliomyélite (40 % ont une couverture vaccinale inférieure à 80 % contre DTP) et la rougeole (ROR).
La tuberculose (TB) reste un problème majeur de santé publique en Ukraine (2e plus grand nombre de cas de tuberculose au monde, l'un des 10 pays où le fardeau est le plus élevé pour la tuberculose résistante et la co-infection VIH/TB). Ainsi le HCSP demande d'assurer son dépistage et de réaliser une radio pulmonaire précoce.
En cas de statut vaccinal incomplet, le HCSP, s'appuyant sur les avis de la Société française de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) et de la Haute Autorité de santé (HAS), appelle à ne pas tenir compte des éventuelles vaccinations antérieures sans preuve vaccinale et donc à effectuer les rattrapages, en priorité DTP, DTPCa ou DTPCaHib selon l’âge, le ROR pour les personnes âgées de 1 an et plus nées après 1980, et le BCG, en l'absence de cicatrice vaccinale.
En matière de santé psychique, seconde priorité après la vaccination, les experts demandent de dépister le risque de syndrome de stress post-traumatique, le risque suicidaire, et d’éventuelles violences subies et d'organiser un soutien psychologique précoce. Les médecins peuvent se tourner vers les cellules d’urgence médico-psychologique (CUMP), les équipes mobiles psychiatrie-précarité (EMPP) et les centres médico-psychologiques (CMP).
Rendez-vous santé dans les 4 mois
D'un point de vue organisationnel, le HCSP préconise qu'un « rendez-vous santé » soit instauré (comme pour tous les migrants) dans les 4 mois suivant l'arrivée en France, dans un but d'information et de bilan. Il précise toutefois que les enfants doivent être prioritaires, puisqu'ils peuvent aller à l'école dès leur arrivée sur le territoire français. « La réalisation des dépistages et du rendez-vous santé ne doit pas constituer un préalable à l’admission à l’école », lit-on.
Par ailleurs, le HCSP suggère de regrouper tous les avis et recommandations sur un même site et de fournir aux professionnels de santé une traduction des calendriers vaccinaux et carnets de vaccination ukrainiens. Il plaide aussi pour la numérisation des données médicales (pour leur traçabilité) et pour le recours à l'interprétariat et à la médiation en santé.
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