Le Quotidien - Depuis leur création en 1998, grâce à la loi relative à la lutte contre l’exclusion, comment ont évolué les PASS ?
CLAIRE GEORGES - Chaque structure a dû s’adapter en fonction des sites et des bassins de population. Les changements dans la société comme dans le système de soins n’ont pas facilité leur fonctionnement. D’un côté, je vois une montée de la précarité et de l’autre, une médecine de plus en plus technique et scientifique qui laisse peu de place à une vision globale des situations. En ce qui concerne le cancer, par exemple, tout s’est protocolisé, de nombreuses molécules sont apparues : ce sont des avancées considérables, mais lorsque des difficultés sociales s’ajoutent à la maladie, on ne peut pas se contenter de traiter l’organe. Malgré la loi HPST qui a sanctuarisé la santé publique ainsi que la lutte contre l’exclusion et promu la disparition du clivage entre le sanitaire et le social, chaque PASS doit faire ses preuves sur le terrain pour montrer qu’elle est indispensable.
Leur utilité ne fait-elle pas consensus ?
La législation, le ministère de la Santé, les Agences régionales, ou encore le siège de l’Assistance-Publique Hôpitaux de Paris ne les remettent jamais en cause. Mais en pratique, elles sont peu défendues car elles sont considérées comme non-rentables et ne s’inscrivent pas dans des logiques financières court-termistes. À l’intérieur des hôpitaux, d’aucuns estiment que cette mission de service publique est marginale. Les PASS s’adressent essentiellement aux plus démunis, qui bénéficient de l’AME ou de la CMU, et qui ne peuvent avancer l’argent auprès d’un médecin de ville. Alors qu’ils sont perdus dans le parcours de soin, on leur propose, dans des structures dédiées, des consultations longues : nous y abordons l’aspect social et environnemental, nous sommes face à des formes avancées de pathologies, nous nous assurons que les patients comprennent leur traitement, le suivent et réalisent leurs examens et l’assistante sociale les aide à réintégrer les réseaux de ville.
Mais ces structures sont financées par les enveloppes MIGAC qui, malheureusement, diminuent ! Nous ne parvenons pas à faire valoriser ces consultations qui restent cotées à 23 euros par l’assurance-maladie. Les médecins sont payés 50 euros la vacation. Ce n’est résolument pas pour l’argent que nous exerçons dans les PASS ! À cela s’ajoute le fait que nous favorisons l’ambulatoire, ce qui est mal vu dans certains hôpitaux désireux de récupérer l’argent des hospitalisations. Il est alors facile d’utiliser le financement des enveloppes MIGAC pour d’autres priorités institutionnelles.
Les PASS sont-elles parvenues à trouver leur identité ?
Sur le terrain, nous souffrons parfois d’un manque de lisibilité, le dispositif reste mal connu, surtout en comparaison des urgences. Il n’y a pas d’homogénéité dans la façon dont les différentes PASS s’articulent avec les autres services de l’hôpital. Certaines sont des structures dédiées, souvent intégrées dans une polyclinique, facilement identifiables par les patients qui peuvent se présenter sans rendez-vous, et très opérationnelles. D’autres sont transversales. Lorsqu’une personne ne peut pas payer à la caisse, l’assistante sociale lui délivre un bon pour qu’il puisse accéder gratuitement aux consultations et aux médicaments. Ce type d’organisation est moins lisible et plus administratif. Notre nouvelle assistante sociale y travaillait avant de nous rejoindre. Elle assure s’y être sentie isolée, coupée des médecins, ayant dû se contenter de remettre bons et tampons sans pouvoir remplir le rôle de coordinateur.
Pourquoi dites-vous que les PASS sont une alternative forte aux urgences ?
Notre collectif PASS milite en effet depuis 2007 pour un autre modèle de médecine, holistique, à contre-courant des tendances actuelles. Aux urgences, les médecins ne considèrent que le côté médical, appliquent des protocoles, et recourent très facilement à l’hospitalisation. Mais une fois sorti de l’établissement, où peut aller un SDF ? Qui va assurer son suivi ? J’ai ainsi reçu une Sénégalaise sous visa, qui souffrait d’une poussée inflammatoire du sein. Il était très difficile de la faire sortir, bien que le problème médical ait été solutionné. Avec la cancérologue de Saint-Louis, nous avons donc envisagé la situation globale pour la prendre en charge en ambulatoire, ou au moins, planifier ses hospitalisations. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas parce que nous recourons davantage à l’ambulatoire que nous sommes moins rentables. Nous cherchons à prévenir les maladies en amont, c’est une vraie question de santé publique lorsqu’elles sont contagieuses.
Qu’attendez-vous de ce premier colloque national ?
C’est un signe très fort : nous avons obtenu le haut patronage de Xavier Bertrand, la directrice générale de l’AP-HP (Mireille Faugère) devrait intervenir en introduction. Et Michel Fournier, directeur de la politique médicale m’a assuré de son soutien. Nous avons besoin de ce soutien institutionnel pour continuer à fonctionner. Et pour promouvoir un modèle alternatif de prise en charge.
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