LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN - Vous avez accepté de diriger cette rubrique qui fait aujourd’hui l’objet d’une compilation. Quels en étaient les objectifs ? Qu’attendez-vous de cette démarche en deux étapes ?
Pr WILLIAM DAB - Ce qui m’a particulièrement motivé est la possibilité d’aborder concrètement le champ de la santé environnementale. Qu’un des principaux journaux médicaux s’allie à un grand industriel dans le but de fournir aux praticiens des éléments pratiques m’est apparu comme un signal fort. Jusqu’à présent, en effet, la relation entre les facteurs d’environnement et la santé était surtout un objet de recherche, pour l’épidémiologie, la toxicologie et les sciences sociales. Le défi à relever était de traduire ces connaissances en recommandations pour les cliniciens. Tous les experts contactés se sont livrés à cet exercice qui n’était pas facile, mais auquel ils se sont prêtés de bonne grâce, en acceptant de quitter le terrain rassurant des discussions scientifiques, pour se mettre à la place des médecins face à leurs patients.
ON EST EN TRAIN D’INVENTER UNE NOUVELLE MÉDECINE
Lorsque l’on relit l’ensemble de ces articles, on est frappé par leur cohérence. On comprend mieux où sont les incertitudes, comment on peut interpréter des résultats d’études parfois contradictoires, de quelle façon on peut se les approprier pour les intégrer dans sa pratique quotidienne. C’est vraiment le fait de les rassembler dans un ouvrage qui permet de se rendre compte qu’on est en train d’inventer une nouvelle médecine, une médecine qui s’intéresse au risque, c’est-à-dire à ce qui n’est pas encore survenu. C’est une nouvelle sémiologie qui se construit et qui répond à un besoin profond qui est celui du refus de la fatalité.
Concrètement quels peuvent être les rôles des médecins et, en particulier, des généralistes en santé environnementale
?
Le médecin reste l’interlocuteur premier de la population en matière de santé. C’est d’abord un conseiller écouté. Les grandes campagnes d’éducation sanitaire sont utiles, mais ce qui se dit dans l’intimité de la consultation a un impact considérable. Il est donc important que le médecin dispose d’une source d’informations spécifique pour répondre aux nombreuses inquiétudes qui s’expriment au sujet de la qualité de l’environnement et de son retentissement sur la santé.
Ensuite, le médecin diagnostique et, quand il s’agit d’allergies, de maladies cardio-respiratoires, de cancers, de troubles endocriniens, pour ne citer que les pathologies les plus prévalentes, la composante environnementale doit être intégrée dans le raisonnement. Quand on apprend qu’un enfant qui « ne tient pas en place » vit dans un habitat ancien et dégradé, la démarche diagnostique s’oriente différemment.
Enfin et surtout, le médecin traite et les caractéristiques de l’environnement des patients doivent être pris en compte pour que le traitement soit aussi pertinent et efficace que possible. Un patient, c’est un système physiologique et psychologique, mais aussi une personne qui agit dans un environnement donné qui peut être plus ou moins favorable. On ne peut pas traiter sans connaître cet environnement et son impact. Mettre à la disposition des médecins des connaissances validées devient d’autant plus important qu’ils se déplacent de moins en moins au domicile, ce qui permettait de réaliser beaucoup des choses qui constituent un quotidien déterminant pour les risques.
Dans ce domaine, la formation des médecins est minimale. Pensez-vous que le contexte actuel peut faire bouger les choses ?
Je vais peut-être surprendre, mais pour être un ardent défenseur de la santé environnementale, je n’en suis pas pour autant persuadé qu’il faille aborder abondamment cette matière dans le cursus de formation initiale. Ce qu’il faut donner aux étudiants médecins, c’est d’abord et avant tout une conscience, un état d’esprit, des outils génériques, des briques de connaissances de base solides, des raisonnements et des méthodes d’investigations cliniques. Pour le reste, les connaissances évoluent si vite ! Il faut donc raisonner formation tout au long de la vie professionnelle.
La santé environnementale, comme la santé publique en général, est d’une grande complexité. On ne peut la réaliser qu’après quelques années de confrontation à la pratique. C’est alors que naît la motivation de s’approprier de nouveaux éléments permettant d’enrichir cette pratique. C’est pourquoi, s’il est indispensable d’initier les futurs médecins aux disciplines de base de la santé environnementale, le plus important est d’appuyer cet effort de formation continue et, avec tous les collègues coauteurs, nous espérons, avec ce premier manuel, y contribuer.
Si nous arrivons à montrer que la santé environnementale n’est pas qu’un discours, mais que sa connaissance peut aider à résoudre des problèmes concrets, nous aurons fait uvre utile et je remercie « le Quotidien du Médecin » et Veolia Environnement d’avoir pris ce « risque » en nous laissant une totale liberté éditoriale.
* Pour obtenir un exemplaire, écrire à rubrique-praticien.ve@veolia.com ou « Le praticien et l’environnement, 36, avenue Kléber, 75116 Paris, en précisant vos coordonnées complètes.
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