Prise en charge des douleurs neuropathiques

20ans après leur reconnaissance, des défis persistent

Publié le 20/07/2015
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Sensations de brûlure, décharges électriques, engourdissements, ou encore fourmillements – ces symptômes font évoquer aujourd’hui le diagnostic de douleurs neuropathiques (DN) à une grande partie des médecins. Une avancée considérable car ce n’était pas le cas il y a encore une vingtaine d’années. « On est parti de très bas en 1985 dans la prise en charge de la douleur, se souvient le Pr Alain Serrie, chef du service médecine de la douleur à Lariboisière (AP-HP). Et pour les DN, qui touchent près de 7 % de la population, elles ne sont identifiées que depuis 1994. »

Les DN, liées à une lésion du système nerveux, se distinguent des douleurs nociceptives, d’origine inflammatoire. « Il existe une grande hétérogénéité des symptômes, explique le Pr Didier Bouhassira, neurologue à l’hôpital Ambroise Paré, directeur de recherche Inserm et président de la Société Française d’Étude et de Traitement de la Douleur (SFETD). « Le vocabulaire utilisé par les patients doit attirer l’attention, certains termes reviennent fréquemment. » La mise au point d’outils de diagnostic, comme le questionnaire DN4, ou d’évaluation, comme le Neuropathic Pain Symptom Inventory (NPSI), validés et traduits dans plusieurs langues, ont permis d’améliorer le diagnostic mais aussi le traitement.

Antidépresseurs et antiépileptiques en 1re ligne

Comme l’explique le Pr Nadine Attal, également neurologue à l’hôpital Ambroise Paré, ces outils sont fondamentaux : « La prise en charge des DN ne s’appuie pas sur l’intensité douloureuse, ni sur les paliers de l’OMS. Les traitements de 1re intention font appel à des classes thérapeutiques distinctes des douleurs nociceptives. » C’est ainsi que des molécules initialement administrées hors antalgie – comme les antidépresseurs (AD) et les antiépileptiques (AE) – sont le premier choix. La SFETD recommande ainsi en première intention, en monothérapie, les tricycliques, les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline (ISRNA), la gabapentine (Neurontin) ou la prégabaline (Lyrica), les opioïdes forts n’ayant leur place qu’en dernière intention. Les emplâtres de lidocaïne sont indiqués dans les douleurs post-zostériennes, en 1re intention, chez les sujets âgés ayant une contre-indication aux traitements systémiques. Plus d’une centaine d’études sont actuellement en cours en phase 2 ou 3.

« Aujourd’hui, les symptômes pèsent autant que les signes d’examen, qui étaient autrefois prédominants », poursuit le Pr Attal. Les équipes de recherche continuent en ce sens en poussant l’exploitation des symptômes. « Compte tenu de l’hétérogénéité des symptômes, l’idée est d’arriver à identifier des sous-groupes de patients, indique le Pr Bouhassira. Le but recherché est de personnaliser le traitement pour mieux soulager les patients. Aujourd’hui, AD, AE et opioïdes tous confondus, la satisfaction n’est que de 30 à 40 %. »

Améliorer l’observance

Une autre piste d’action est de mieux informer le patient, afin d’améliorer l’observance du traitement. « Aujourd’hui, le constat est médiocre, explique le Pr Serge Perrot, du Centre d’étude et de traitement de la douleur au groupe Cochin-Hôtel Dieu (AP-HP). L’adhésion au traitement n’est que de 50 % dans les maladies chroniques. Pour les AD et les AE, le chiffre tombe à 40 % pour la compliance et 20 % pour la persistance. » D’où l’idée de mettre à contribution les pharmaciens, et de développer leur rôle de conseil. Une étude menée avec le soutien des laboratoires Pfizer, l’étude Tempo, est en cours dans 3 régions pilotes en France, pour évaluer dans quelle mesure l’accompagnement par les pharmaciens améliore l’observance du traitement AE dans les DN.

Alors que l’appartenance à la classe des AD ou des AE des traitements proposés peut faire peur, il est important que le patient soit rassuré. Il est important que tous les professionnels de santé tiennent le même discours. « La consultation douleur est chronophage. Quand la durée moyenne de consultation en médecine générale est d’une dizaine de minutes, le pharmacien est un partenaire pour arriver à donner ce temps nécessaire à l’information », souligne le Pr Serrie.

Conférence de presse organisée par les laboratoires Pfizer le 18 juin 2015
Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du Médecin: 9428