Stratégie nationale pour l'autisme au sein des troubles du neuro-développement

344 millions d'euros pour promouvoir la recherche et améliorer le diagnostic chez l'enfant et l'adulte

Par
Publié le 09/04/2018
Article réservé aux abonnés
PLAN AUTISME

PLAN AUTISME
Crédit photo : AFP

« La fatalité n'est pas d'être autiste, c'est de naître avec un autisme en France ». Ces propos d'une mère ont « consterné » le premier ministre Édouard Philippe. « Le temps de l'autisme est arrivé », a-t-il déclaré ce 6 avril, devant plusieurs ministres (dont Agnès Buzyn et Frédérique Vidal), des associations, des chercheurs et des médecins, dévoilant officiellement, après neuf mois de concertation, « la stratégie nationale pour l'autisme au sein des troubles du neuro-développement » (TND).

« Nous avons besoin d’une vision et d’une action interministérielle forte et pérenne, dans les domaines de la santé, de l’éducation, du logement, du travail, et bien sûr de la recherche. J’ai parlé des TND, parce que l’autisme en est un. Et ces troubles touchent parfois les mêmes personnes et nécessitent une approche globale », a dit le Premier ministre, justifiant l'abandon du terme « 4e plan ». Gage de l'interministérialité, un délégué interministériel sera nommé auprès de la Secrétaire d’État aux personnes handicapées, Sophie Cluzel.

344 millions d'euros, 5 engagements

Financée à hauteur de 344 millions d'euros, contre 205,5 millions pour le 3plan, très médico-social, auxquels s'ajoutent 53 millions de crédits restant (destinés à créer 1 500 places dans les établissements), la stratégie se décline en 5 engagements, dont le premier - doté de 14 millions d'euros - est de promouvoir une recherche d'excellence pour mieux comprendre les causes de l'autisme.

Concrètement, seront créés un groupement de coopération scientifique sur l'autisme et les TND pour faciliter la mise en réseau des équipes de recherche ; trois centres d'excellence nationaux, dont l'un dédié aux adultes ; et 10 postes de chefs de clinique hospitalo-universitaires en pédopsychiatrie (déjà prévus dans la feuille de route sur la santé mentale). Autre mesure : développer une cohorte d'une ampleur inédite et produire des données épidémiologiques.

La formation initiale et continue de l'ensemble des professionnels intervenant auprès des autistes sera revue. Selon la Cour des Comptes, 50 % des généralistes et 20 % des pédiatres n'ont reçu aucun enseignement sur les troubles du spectre autistique (TSA).

Forfait intervention précoce et plateformes d'intervention

Le deuxième axe (106 millions d'euros) vise à intervenir toujours plus précocement auprès des enfants, comme l'a recommandé la Haute Autorité de santé (HAS). Les professionnels de la petite enfance doivent pouvoir repérer un TND et adresser l'enfant au médecin généraliste ou au pédiatre. Ces médecins de première ligne doivent confirmer les signaux d'alerte lors des visites du 9e et 24e mois - aidés en cela par le nouveau carnet de santé - et si besoin, orienter l'enfant vers leurs confrères de seconde ligne. Ou se référer aux plateformes d'intervention et de coordination.

Dispositif nouveau, ces plateformes (une par territoire) doivent permettre d'initier des bilans et interventions auprès de libéraux (psychomotriciens, ergothérapeutes, etc.) avant qu'un diagnostic soit posé. Un forfait intervention précoce, « déclenché par les médecins qui ont fait ce repérage », précise Agnès Buzyn, permettra une prise en charge à 100 % par l'assurance-maladie. Il sera abondé annuellement par 90 millions d'euros. À noter, ces plateformes viennent en complément des pôles de compétences et de prestations externalisées (PCPE), qui financent des intervenants hors du cadre de l'assurance-maladie une fois le diagnostic posé.

Mieux diagnostiquer les adultes et mettre fin aux hospitalisations inadaptées

Plusieurs mesures (pour 115 millions d'euros) doivent améliorer le diagnostic et la prise en charge des adultes, parents pauvres des précédents plans, comme le déploiement d'équipes mobiles dans les établissements sociaux et médico-sociaux et à domicile, le développement d'outils adaptés au repérage des femmes autistes et l'instauration de bilans de santé réguliers, via des consultations dédiées dans les territoires. « Les lits d’hospitalisation longue en HP sont occupés en grande partie par des personnes autistes : or ce ne sont pas des lieux de vie. Il faut qu'on puisse les accompagner vers la sortie », explique Claire Compagnon, qui a présidé le comité de pilotage. Les plus autonomes seront orientés vers les colocations sociales prévues par le projet de loi logement ELAN.

L'école n'est pas oubliée, avec une enveloppe de 103 millions, pour tripler les unités d'enseignement maternel autisme (UEMa), recruter 100 enseignants spécialisés et développer la scolarisation en milieu ordinaire. Enfin, les familles seront soutenues à hauteur de 6 millions d'euros ; elles seront présentes dans le comité du suivi du plan.

Des adultes toujours oubliés ?

La stratégie divise les associations. Certaines jugent que les adultes d'aujourd'hui restent une génération sacrifiée. Les financements sont « dérisoires » par rapport « à l'immensité des besoins », déplore Danièle Langloys, présidente d'Autisme France, tout en regrettant toujours le manque de professionnels formés. Christine Meignien, de la fédération Sésame Autisme, confie son amertume : « Le logement autonome ne convient qu'à une minorité d'adultes. Mais que proposer pour les cas les plus complexes ? La Belgique continue à se frotter les mains avec ce plan. »

« Cet élan nous fait espérer des temps meilleurs, mais il va falloir rester vigilant », réagit, à l'inverse, Florent Chapel, d'Autisme Info service.

Le Dr Dominique Fiard, psychiatre responsable du Centre d'expertise autisme adulte de Niort, qui a piloté les recommandations de la HAS, considère qu'il y a matière à espérer, notamment dans l'ouverture de l'autisme aux TND, ce qui doit ouvrir les yeux vers les comorbidités, et dans l'éclairage mis sur les adultes. « Si la cause des adultes est portée sociétalement, cela fera bouger les représentations et nous conduira à nous interroger sur nos pratiques », souligne-t-il. 

Coline Garré

Source : Le Quotidien du médecin: 9655