Troubles minéraux et osseux de la maladie rénale chronique

Actualisation des recommandations du KDIGO

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Publié le 29/03/2018
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densité minérale osseuse

densité minérale osseuse
Crédit photo : Phanie

« Les troubles minéraux et osseux (TMO) apparaissent très tôt au cours de l’évolution de la maladie rénale chronique, dès le stade 2, mais les nouvelles recommandations du KDIGO portent essentiellement sur les stades de 3a à 5 chez les dialysés ou transplantés », précise le Pr Ziad Massy (Boulogne-Billancourt).

L’une des premières évolutions concerne la place de l’évaluation de la densité minérale osseuse (DMO), qui est préconisée chez les patients ayant une maladie rénale chronique (MRC) de stades de 3a à 5D. Même si elle ne permet pas de prédire le type d’atteinte osseuse chez ces patients, la DMO est très associée au risque de fractures, et guide donc la prise en charge thérapeutique, justifient les experts.

Des taux interdépendants

La grande nouveauté de cette version actualisée concerne la conduite à tenir pour modifier les concentrations de phosphate et de calcium sériques. Les études récemment publiées ont en effet mis en évidence l’interdépendance des taux de calcium, phosphate et parathormone (PTH) sériques et des TMO chez les patients ayant une MRC. L’une d’elles suggère qu’en cas d’élévation du taux de PTH, le risque de décès est augmenté seulement si les taux de calcium et de phosphate sont élevés, et non s’ils sont dans les cibles. Par conséquent, les experts recommandent que l’évaluation simultanée de la calcémie, de la phosphatémie et du taux de PTH sérique servent de base pour établir les traitements des TMO chez ces patients.

Ces nouvelles recommandations soulignent l’absence de données en faveur de la normalisation de la phosphatémie dans la MRC de stades de 3a à 4, et mettent l’accent sur un éventuel problème de sécurité d’emploi de cette stratégie thérapeutique. Les experts insistent ainsi sur l’importance de traiter l’hyperphosphatémie en se basant sur le caractère progressif et persistant de son taux. Le recours aux chélateurs du phosphate à base de calcium doit être limité, car l’exposition à un apport élevé de calcium exogène pourrait aggraver et/ou engendrer une toxicité vasculaire de type calcification.

Des évolutions encore nécessaires

Pour traiter l’hyperparathyroïdie, les experts déconseillent d’utiliser le calcitriol et ses analogues aux stades 3a et 5D, et proposent de ne le faire qu’aux stades 4 et 5 avec hyperthyroïdie sévère. « Cette recommandation se base sur les résultats de deux études, PRIMO et OPERA, qui ont démontré à la fois l’absence de bénéfice de ce traitement, notamment sur l’hypertrophie ventriculaire gauche, et un risque accru d’hypercalcémie. Il est aussi suggéré de limiter l’apport en phosphates alimentaires, en en considérant l’ensemble des sources, y compris les “sources cachées” (comme les conservateurs), souligne le Pr Massy. Il n’y a pas de consensus pour recommander particulièrement les calcimimétiques pour réduire la PTH en cas d’hyperparathyroïdie secondaire ».

« Certains points restent à discuter », poursuit le Pr Massy. C’est le cas de la biopsie osseuse, préférée à la mesure de la DMO en Europe. Un projet en cours émanant du groupe de travail CKD MBD de la société européenne de néphrologie, ERA-EDTA, devrait en préciser les indications. « Par ailleurs, les recommandations ne précisent pas jusqu’à quel niveau baisser l’hyperphosphatémie lorsque le trouble est persistant et progressif, ni comment le faire de façon simple. C’est un peu la même chose pour les apports calciques, avec l’absence de définition d’une valeur maximale précise. En pratique, il faut considérer ces recommandations comme une étape pour améliorer la prise en charge des TMO chez les patients ayant une MRC, mais noter la nécessité de les faire évoluer avec nos connaissances dans ce domaine », conclut le Pr Massy.

D’après un entretien avec le Pr Ziad Massy, service de néphrologie de l’hôpital Ambroise-Paré à Boulogne-Billancourt et membre du comité exécutif de KDIGO
(1) Coll., « KDIGO 2017 Clinical practice guideline update for the diagnosis, evaluation, prevention, and treatment of chronic kidney disease-mineral and bone disorder (CKD-MBD) », Kidney International Supplements, vol. 7, n o 1, juillet 2017

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Bilan Spécialiste