« Naître autrement », « l’avenir de la révolution génétique », « homme augmenté, homme orienté… » : tels étaient les fils rouges de la dernière journée du Forum européen de bioéthique.
Et après quatre jours de débats prenant parfois des allures de films de science-fiction, il était rassurant – ou au contraire déprimant, si l’on croit au transhumanisme – de faire le point sur les limites et les perspectives de cet « homme nouveau » que certains voient déjà sonner demain à notre porte. Certes, la médecine de la reproduction a beaucoup changé en 40 ans et évoluera encore. Environ 4 % des naissances en France sont actuellement le fruit d’une PMA ont rappelé les gynécologues Israël Nisand et Catherine Rongières, en présentant les progrès dans l’analyse des embryons, ou les possibilités de plus en plus nombreuses de différer les naissances. À l’inverse, ils soulignent que « l’utérus artificiel reste très lointain », si tant est qu’il puisse avoir une nécessité et intérêt : pour eux il est bien plus important de trouver des méthodes et techniques pour mieux soigner mères et enfants.
« Écologie humaine »
L’idée d’une « limite » aux recherches fait partie des questions récurrentes des tables rondes. Chantre d’une « écologie humaine », Tugdual Derville (Alliance Vita) plaide pour « sanctuariser l’utérus en se souvenant que le faisable n’est pas forcément le bien » ; pour le biochimiste et député Jean-Yves le Déaut, il faut bien entendu permettre les recherches, mais fixer les règles éthiques avant… un point de vue toutefois contesté par certains scientifiques pour qui il faut au contraire d’abord chercher avant d’interdire, sous peine d’étouffer toute initiative. Dans tous les cas, estime le Pr le Déaut, « la machine n’est intelligente que par son logiciel, qui doit donc pouvoir être retiré à tout moment ». Le Pr Jean-François Mattéi s’interroge pour sa part sur les enjeux des « bébés ingénieurisés », (engineered babies), certes encore lointains… mais déjà brevetés. Plus ou moins au fait des perspectives offertes par les nouvelles technologies génétiques comme CRISPR Cas9, les transhumanistes imaginent déjà, ou enfin, l’avènement de l’enfant parfait dont ils rêvent : pour le Pr Mattéi au contraire, que serait un être décidé par d’autres, et qui ne porterait plus aucun hasard en lui ? « Nous avons besoin d’une part de hasard pour être libres, car sans lui, nous ne serons plus que le fruit du narcissisme égoïste du créateur du clone », a-t-il relevé.
Un horizon lointain
Le généticien Jean-Louis Mandel appelle à « fixer des limites à nos peurs et à arrêter les annonces sensationnelles qui ne débouchent sur rien », notamment face à des réalités génétiques « beaucoup plus compliquées qu’on ne se l’est imaginé ». Ingénieurs, « prospectivistes » ou médecins, nombre d’intervenants soulignent, lors des tables rondes, que « la révolution thérapeutique induite par la génétique prendra des décennies ». Ils invitent par ailleurs les éthiciens à s’intéresser aussi, au-delà du génome humain « que l’on connaît finalement encore très mal », aux révolutions bien plus immédiates annoncées par les OGM et l’agronomie. Enfin, les médecins sont nombreux à rappeler, lors des débats, que leur rôle consiste « à aider l’homme diminué et non à augmenter l’homme », selon la formule des neurologues Matthieu Anheim et Pierre Pollack. Ce dernier insiste sur la valeur de la rencontre et de la liberté, qui différencie l’homme de la machine déterminée.
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