Les rhumatologues face à l’outil informatique

Atouts indéniables et difficultés à résoudre

Publié le 05/04/2012
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Crédit photo : S TOUBON

L’AFFAIRE est entendue. Si l’ordinateur et son accès aux réseaux a investi massivement notre environnement privé, nul ne peut non plus désormais échapper à l’informatisation de pans de plus en plus larges de sa pratique professionnelle. Les rhumatologues ne faisant pas exception à la règle, ils ont tous, à des degrés divers, intégré à leur exercice quotidien certaines étapes qui font appel à l’outil informatique.

En ville ou à l’hôpital, cette dimension supplémentaire n’est d’ailleurs pas forcément appréhendée de la même manière puisqu’elle s’adapte au cadre de travail et aux différentes particularités organisationnelles. Mais dans les deux cas, les utilisateurs pointent des avantages indéniables tout comme certaines nuisances qu’ils espèrent voir se réduire au fur et à mesure des nouvelles avancées technologiques et d’intégration de l’outil à leur environnement professionnel.

Mise en réseau des données.

Le Dr Jean-Philippe Sanchez, rhumatologue au sein d’un cabinet de la périphérie de Pau, qualifie ses six et « bientôt sept » associés ainsi que lui-même de « cyber-rhumatologues ». Chacun d’entre eux est fortement informatisé et relié aux autres grâce à la mise en place d’un réseau distribué par un serveur de données. Il considère d’ailleurs comme « révolu » le principe d’un système qui ne se serait pas partagé et communicant. Dans leur cabinet, l’informatique intervient à presque tous les niveaux, depuis la prise de rendez-vous jusqu’à la télétransmission à la Sécurité Sociale, en passant par tout l’appareillage d’imagerie et l’utilisation de logiciels médicaux orientés pour la pratique rhumatologique.

« Nous avons même participé au projet Aquitaine de dossier médical partagé. Malheureusement, l’expérimentation n’a pas abouti et nous avons perdu toutes les données », déplore J-P Sanchez. En revanche, il considère comme extrêmement intéressante l’utilisation du système d’archivage et de transmission d’images (PACS) qui permet la numérisation de toutes leurs données radiographiques et échographiques et d’en suivre l’évolution sur le long terme.

Un plus pour le gestionnaire et le scientifique.

Chef du service de rhumatologie du CHU Lariboisière à Paris, le Pr Philippe Orcel reconnaît également que l’outil informatique rend aujourd’hui de nombreux services, même si son emploi à l’hôpital « n’est pas toujours idéal en raison du nombre d’utilisateurs qui ralentit les accès au réseau et des disparités importantes qui existent au niveau des machines, des systèmes d’exploitation et des logiciels ». Pour autant, il avoue qu’il est aujourd’hui assez simple de « contourner ces difficultés grâce aux appareils nomades (smartphones, tablettes) munis des différentes applications médicales et de communication dont ils disposent ».

En pratique, « le partage instantané de données patients ou scientifiques avec des confrères hospitaliers ou avec le réseau de ville, le serveur d’images, l’embryon de dossier médical informatisé, l’accès facilité et étendu aux informations de gestion administratives » constituent selon le Pr P. Orcel des atouts indéniables pour le rhumatologue hospitalier. Si tant est qu’ils soient utilisés à bon escient et que des améliorations soient apportées pour pallier certaines difficultés qui peuvent encore constituer des obstacles à l’efficacité des systèmes.

Améliorer l’intégration et la compatibilité.

La technique ayant ses limites et ses contraintes, les deux praticiens reconnaissent que l’informatique peut également générer quelques désagréments. Le premier que relève J.-P. Sanchez est de taille : « Si ça ne marche pas, nous ne pouvons plus rien faire. Nous sommes totalement dépendants de l’informatique. » Un constat un peu anxiogène pour n’importe quel praticien qui aurait stocké la quasi-totalité de ses données sur un serveur. Du coup, le recours à des sociétés de maintenance et de dépannage informatique est de rigueur. J.-P.Sanchez avoue que son cabinet doit ainsi faire appel à trois entreprises distinctes, « une localement pour la gestion au quotidien et deux en externe pour la partie logicielle, PACS et dossier médical ».

Un manque d’intégration et de compatibilité que relève également le Pr P. Orcel qui rappelle que « chaque site hospitalier a développé ses propres modules sur le logiciel commun en fonction des compétences internes » et que « les données d’imagerie peuvent être dans des formats différents en fonction des bases de données utilisées ». Autant de difficultés qui s’ajoutent à « la contrainte administrative » et à « la multiplicité des indicateurs proposés » qui entraîne ce que le Pr P. Orcel qualifie de « risque de noyade ». D’après le Dr J.-P. Sanchez, une partie de la réponse à ces difficultés réside sûrement dans une plus grande implication des instances officielles de la spécialité : « Notre Société savante devrait se pencher sur le problème et mettre, par exemple, en œuvre un cahier des charges évolutif du dossier rhumatologique pour les entreprises informatiques ».

D’après un entretien avec le Pr Philippe Orcel, hôpital Lariboisière, Paris et le Dr Jean-Philippe Sanchez, Pau.

 BENOÎT THELLIEZ

Source : Bilan spécialistes