L’autisme de haut niveau au féminin

Avez-vous vu les « Aspergirls » ?

Publié le 13/12/2018
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aspergirls

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Crédit photo : PHANIE

La prévalence des troubles du spectre autistique (TSA) est élevée (environ 1 personne sur 60), et l’on en dépiste mieux aujourd’hui les formes partielles ou légères. Le ratio de 1 femme pour 4 hommes est discuté. De plus en plus d’études récentes suggèrent un sous-diagnostic chez les femmes, dont les capacités à masquer leurs difficultés via des stratégies de « camouflage social » sont supérieures à celles des hommes.

Si l’enfance des filles ayant un TSA est marquée par les symptômes typiques (absence d’intérêt pour les relations sociales et les jeux symboliques, flapping, hypersensorialité, évitement du regard, rigidité, absence de réciprocité sociale…), à leur adolescence, notamment chez celles qui ont QI élevé, les « Aspergirls » (1), se mettent souvent en place des stratégies de compensation visant à une meilleure intégration (notamment à éviter le harcèlement scolaire qui est malheureusement plus la règle que l’exception pour ces jeunes). Elles résultent d’un apprentissage intensif des comportements sociaux qui passe par l’observation et l’imitation, mais également par de nombreuses recherches sur Internet et l’entraînement à des mimiques faciales.

Ces jeunes filles deviennent alors de véritables « caméléons sociaux » capables d’adopter un comportement de façade destiné à les faire passer inaperçues. Du fait de l’acquisition de ces stratégies, il n’est pas rare qu’elles soient en dessous des seuils classiquement utilisés par les outils d’évaluation des TSA, rendant malaisé le diagnostic.

Épuisement psychique progressif

Malgré cette adaptation de façade, les difficultés sociales, les intolérances sensorielles et les difficultés de gestion émotionnelle restent bien présentes, induisant progressivement un épuisement psychique et des troubles anxieux ou dépressifs qui conduisent finalement les Aspergirls à consulter, souvent bien plus tard que leurs homologues masculins, le bon diagnostic n’étant pas toujours établi, y compris à cette étape.

Il n’est pas rare non plus que les intolérances sensorielles présentées par les personnes autistes conduisent à une hypersélectivité alimentaire, du fait d’une sensibilité accrue aux textures ou aux odeurs, et on estime que 20 % des adolescentes présentant une anorexie mentale souffriraient d’un TSA.

Vulnérables aux agressions sexuelles

Le taux d’agressions sexuelles est particulièrement élevé chez les Aspergirls. Leur naïveté et leur difficulté à interpréter les signaux peuvent induire des réponses comportementales inadéquates. Leur capacité à se préserver de situations dangereuses est mise à mal, et peut les conduire à être plus facilement la cible de prédateurs, et leur aptitude à porter plainte ou à demander de l’aide est encore plus fragile que chez le neurotypiques.

L’enjeu du repérage du TSA est donc majeur si l’on veut les aider à se prémunir de difficultés ultérieures et à surmonter un passé souvent lourd de conséquences psychiques.

Respectivement psychologue et psychiatre (Paris), auteurs d’une Éloge des intelligences atypiques (Odile Jacob, 2018)
(1) Nom affectueux que se donnent entre elles les jeunes femmes autistes de haut niveau, en référence au syndrome d’Asperger

Séverine Leduc, Dr David Gourion

Source : Bilan Spécialiste