Le Quotidien : La version 2015 des « Handbooks » du CIRC sur la prévention du cancer du sein se prononce clairement en faveur du dépistage organisé pour les femmes de 50 à 74 ans. Mais que peut-on dire pour les 40-49 ans ?
Béatrice Lauby-Sécrétan : Les choses ne sont pas plus avancées qu’en 2002. Pourtant, les données sont plus abondantes (1 étude de cohorte en 2002, pour 1 étude de cohorte et 6 cas-témoins en 2015), mais elles restent « limitées ». Aujourd’hui, il semble pour ces femmes jeunes, que les bénéfices sont moins importants, avec une baisse de la mortalité plus faible de l’ordre de 20 % par rapport à la tranche d’âge supérieure, et ce, pour des risques plus importants avec davantage de faux positifs, de surdiagnostic et une irradiation plus forte. La balance bénéfice/risque semble moins favorable mais la position n’est pas définitive.
Concernant les techniques d’imagerie, la mammographie est la référence. En associaiton, l’échographie mammaire est très pratiquée en France et la tomosynthèse de plus en plus. Quelle est la position du rapport ?
Nos conclusions remettent en question le bien-fondé de l’échographie. Il existe un décalage entre les pratiques et les données scientifiques disponibles. L’intérêt de l’échographie n’est pas évident. D’un côté, le taux de détection des cancers n’est que peu augmenté par rapport à la mammographie seule ; de l’autre, il existe une forte augmentation des faux positifs. L’ensemble des études sont conduites sur l’association mammograhie-échographie, puisqu’elle est réalisée en pratique en complément de la mammographie chez les femmes ayant des seins denses et des résultats négatifs à la mammographie, mais il serait intéressant de répondre à la question de l'échographie seule.
Pour la tomosynthèse, cette technique en 3D couplée à la mammographie, malgré le peu d’études disponibles, 5 au total, le niveau de preuves est suffisant pour dire que la technique augmente le taux de détection des tumeurs. Il se pourrait aussi mais c’est moins évident, qu’elle améliore la détection des tumeurs invasives. Le problème principal, c’est la dose d’irradiation, presque doublée par rapport à la mammographie. Une piste serait de l’utiliser seule avec une reconstruction des images en 2D, ce qui permettrait de diminuer la dose d’irradiation, pas au niveau d’une mammographie, mais de la limiter à un facteur d’environ 1,2 ou 1,3.
Malgré de nombreuses études pour les femmes à haut risque, le rapport ne rend aucune conclusion à ce sujet. Pourquoi ?
C’est difficile en raison de la diversité technique et des associations (mammographie +/-IRM +/- écho) et de la diversité des facteurs de risque (mutations BRAC1 et 2, risque familial sans mutation identifiée, antédécent de cancer du sien, lésions atypiques ou proliférations atypiques. On ne peut rien dire pour l’instant sur l’âge de début et l’intervalle du dépistage. L’IRM a montré des résultats intéressants chez les femmes BRCA 1 et 2 mais diminue clairement la spécificité et augmente les faux positifs.
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