Pour remporter la bataille de l'autonomie, l'avantage de soigner en équipe

À Bordeaux, une unité de gériatrie mobile favorise le maintien à domicile 

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Publié le 20/04/2017
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Crédit photo : Patrice Payat

« Je n’aurais jamais imaginé tout ce que j’ai pu voir au domicile du patient en matière d’iatrogénie : armoires débordant de médicaments, piluliers de guingois, comprimés sur la moquette... ». Le Dr Marie-Neige Videau, médecin de l’unité mobile d’évaluation gériatrique de Bordeaux, en a vu de toutes les couleurs depuis qu'elle intervient au domicile des personnes âgées.

Depuis septembre 2015, la gériatre intervient à Bordeaux intra-muros au sein d'une équipe qui comprend infirmière, assistante sociale, pharmacienne, psychiatre, ergothérapeute et secrétaire pour améliorer le parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie (PAERPA).

La mission de l'unité est de réaliser une évaluation pluridisciplinaire, de poser un diagnostic et de formuler des préconisations visant à favoriser le maintien à domicile des personnes âgées, mais aussi de prévenir les syndromes gériatriques (dénutrition, confusion, chutes, dépression...) et les hospitalisations à répétition.

Basée à l’Hôpital Saint-André, l’unité mobile intervient à la demande du médecin traitant, des professionnels de santé (infirmière, kiné, pharmacien) ou de l’entourage du patient (famille, voisins, auxiliaire de vie). La première visite mobilise gériatre, infirmière et assistante sociale.

Première difficulté : l'équipe doit se faire accepter. « Ces personnes âgées sont souvent solitaires et méfiantes, il faut les rassurer, quitte à débuter l’entretien sur le palier ou à la fenêtre… explique Marie-Neige Videau. Mais ensuite, on prend le thé, on plaisante et on passe un bon moment. Nous restons une à deux heures, nous nous adaptons au rythme de la personne. »

Appréhender le lieu de vie

Et ce temps n’est pas perdu : « Voir le patient dans son environnement est irremplaçable, poursuit la gériatre. Cela permet d’appréhender l’état de son lieu de vie (vétuste, parfois insalubre), sa façon de s’y déplacer, de s’organiser… On peut mieux évaluer son autonomie, son hygiène, son alimentation, son observance… Souvent les médecins traitants tombent des nues devant ce qu’on leur apprend ! »

La gériatre réalise un examen clinique complet, l’infirmière une évaluation gérontologique (autonomie, nutrition, capacités cognitives…) et l’assistante sociale un bilan social (besoin d’allocation personnalisée d'autonomie, CMU, protection juridique, recherche d’EHPAD…). En second lieu, l’unité peut envoyer un psychiatre ou un ergothérapeute pour des évaluations spécialisées.

Le Dr Videau travaille ensuite avec la pharmacienne de l'unité sur la conciliation médicamenteuse (observance, risques, médicaments inappropriés). L'équipe transmet son évaluation et ses préconisations médicales, pharmaceutiques et sociales au médecin traitant et au pharmacien du patient.

Par la suite, l’équipe mobile et ses confrères de ville peuvent échanger, partager des informations et suivre le patient, sur la plateforme bordelaise d’échanges de données médicales et sociales PAACO.

En 2016, l’équipe de Marie-Neige Videau a réalisé 210 évaluations : « Le bouche-à-oreille est excellent, en particulier auprès des généralistes, indique-t-elle. Les demandes ont doublé, nous réalisons entre 30 et 40 interventions par mois. »

Plus de temps et de rapports humains

« C’est un travail passionnant, poursuit la gériatre ; la visite à domicile permet de prendre conscience de choses que l’on ne voit jamais en cabinet. Ces personnes âgées, leur solitude, sont touchantes et nos rencontres très riches, car le rapport humain a le temps de s’installer. De plus, cette expérience permet de faire tomber les barrières délétères entre ville et hôpital. »

Enfin, le médecin insiste sur la dimension pluridisciplinaire de cette démarche : « C’est très enrichissant, en particulier avec la pharmacienne de l’équipe. Sa présence m’a permis d’aller plus loin sur les questions de dosages, d’interactions. » Cette collaboration est si importante que les deux professionnelles la présentent aux médecins et pharmaciens, dans le cadre d’une formation continue sur l’optimisation thérapeutique.  

De notre correspondant Patrice Jayat

Source : Le Quotidien du médecin: 9574