Pathologie scolaire du XXIe siècle, le TDA/H questionne : est-ce réellement un trouble ou un symptôme de notre société ? Les deux, semble-t-il. Le deuxième n’excluant par le premier. Le diagnostic de TDA/H existe. Mieux encore : la maladie se soigne. Le Dr Louis Vera, pédopsychiatre, auteur de plusieurs ouvrages* sur la question, souhaite sensibiliser les professionnels à cette difficulté. Et à dissiper le flou induit par les controverses théoriques et thérapeutiques, plus ou moins pertinentes. À ceux qui envisagent le TDA/H comme un manque d’éducation, aux méfiants qui accusent les laboratoires de surfer sur un trouble inexistant, le spécialiste répond : « l’incertitude ne doit pas nuire aux enfants ». Ce qui est néfaste, c’est l’absence de reconnaissance du trouble, dont la prise en compte permettrait d’éviter des répercussions.
Le TDA/H n’est pas forcément visible
« La première conséquence du TDA/H est une mauvaise estime soi », souligne le pédopsychiatre. Il est essentiel de repérer et donc de connaître les symptômes, trop méconnus, regrette le Dr Vera qui tente de déconstruire les préjugés. Le premier concerne l’hyperactivité. Selon le spécialiste, cette appellation est « désuète » car réductrice. Le TDA/H n’est envisagé que sous son unique expression motrice alors qu’il peut être seulement psychique. « Certains hyperactifs paraissent calmes », explique le Dr Vera. Et si hyperactivité motrice il y a, son caractère bruyant n’est pas proportionnel à la souffrance de l’enfant. Machouillage de style intempestif, onychophagie, trichotillomanie, sont d’autres symptômes tout autant pertinents à rechercher par le médecin et les parents.
Dans un registre proche, l’impulsivité – autre critère diagnostique du TDA/H – souffre d’un manque d’investigation. Loin d’être exclusivement motrice, elle peut être strictement cognitive. Un enfant qui coupe la parole, finit les phrases à la place de son interlocuteur ou commence un exercice avant de finir la lecture de l’énoncé, est vraisemblablement « impulsif » même si la gêne de l’entourage est moins perceptible. Le Dr Vera attire l’attention des professionnels quant à l’impulsivité alimentaire : « Il faut toujours suspecter un TDA/H devant un enfant obèse ou en surpoids. »
Le TDA/H n’est pas un manque d’attention
Autre préjugé à déconstruire : le déficit attentionnel. Là encore, le vocabulaire prête à confusion. « Il ne s’agit pas d’un déficit attentionnel mais d’un défaut de contrôle attentionnel », explique le spécialiste. Les enfants présentant un TDA/H peuvent être extrêmement concentrés sur une activité, et distraits sur d’autres. Tout dépend du contexte et de la nature de l’action. Typiquement, l’enfant TDA/H se concentre plus facilement en matinée, d’autant plus que l’activité est nouvelle, plaisante, motivante, et que l’enfant est rassuré sur ses capacités. Ce qui, évidemment, remet en question les méthodes d’éducation des enseignants et des parents. Le Dr Vera suggère d’inclure des pauses au cours des devoirs - à privilégier le matin - et de stimuler la curiosité de l’enfant.
Défaut des fonctions exécutives
Beaucoup moins connu, le défaut des fonctions exécutives est le 4e critère caractéristique du TDA/H, absent du DSM-5. Sous ce terme peu accessible se cache une difficulté d’organisation. Autant perceptible au domicile qu’en milieu scolaire, ce défaut d’autonomisation se manifeste par un manque de débrouille, aussi bien pour s’habiller, pour noter ses devoirs que pour se laver les dents, autant de maladresses souvent taxées de « feignantise » : « L’enfant à qui on répète 100 fois de ranger son cartable », « qui ne se met pas travailler si on n’est pas derrière lui », « qui a toujours un train de retard », etc. En réponse à cela, des repères comportementaux à introduire au quotidien peuvent faciliter la vie des parents et limiter le sentiment d’échec de l’enfant. D’où l’importance de rechercher ce type de difficultés afin de guider l’entourage adulte de l’enfant. « Cela ne doit pas être confondu avec un manque de motivation ou une attitude d’opposition », prévient le Dr Vera. « L’enfant ne dit pas non, il fait les choses quand on est avec lui », explique le spécialiste. Non pris en charge, ce défaut des fonctions exécutives peut induire des conséquences psychologiques, sociales et familiales, et se chroniciser à l’âge adulte.
Le médicament en dernier ressort
Quant à la prise en charge de ce trouble protéiforme, là aussi beaucoup de préjugés persistent. Le traitement médicamenteux (méthylphénidate) ne doit être administré qu’en deuxième intention, si l’intensité du trouble est sévère et qu’une comorbidité – comme un trouble des apprentissages – est associé. Dans les autres cas, une prise en charge multimodale – psychomotrice, orthophonique, psychologique – est parfois requise. Sans oublier l’acquisition de nouvelles routines comportementales, la revalorisation des ressources de l’enfant, et les règles d’hygiène de vie (alimentation, écrans, activité physique), que le pédopsychiatre Louis Vera prescrit en premier lieu. Considérer le TDA/H n’est pas dramatiser cette difficulté, c’est prendre en compte la souffrance des enfants dans une société mouvante et pressante. Et œuvrer, en tant que professionnels, à contre-courant de cette dernière. En aidant les enfants à se poser, se dépenser et à grandir…en toute confiance.
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