La santé en librairie
DES URGENCES qui ont des airs d’univers kafkaïen, où les malades attendent sur des brancards dans un couloir par manque de lit, où le personnel débordé (une urgence toutes les 29 secondes traitée à l’AP-HP !) finit par se décourager et se lasser, où les motifs de consultation sont aussi souvent sociaux que médicaux. Des services où l’économie et la rentabilité sont à la fois les armes lourdes et les plaies d’un système de santé « au bord du coma », où les infirmières ne passent en moyenne plus que huit minutes par jour à pratiquer des soins directs auprès des patients, où elles ploient sous la lourdeur des contraintes de gestion administrative, ne restant en moyenne pas plus de huit ans à l’hôpital. Un monde où il est beaucoup question d’humanisation dans les discours politiques mais beaucoup moins au chevet du patient devenu « usager », voire « client », d’un commerce qui lui échappe totalement, où les écarts entre les besoins et l’offre ne cessent de se creuser.
La réalité hospitalière décrite avec acuité par Martine Schachtel, infirmière passionnée par son métier, militante de nombreux combats pour défendre la profession (le mouvement « Ras la seringue », par exemple), apparaîtra tout à fait objective à ceux qui, un jour ou l’autre, ont été conduits à l’hôpital, comme à tous ceux qui y travaillent. L’auteur sait raconter sans lyrisme excessif et sans pathos des histoires de vie et de mort, de souffrance et de fraternité, aussi vraies que nature, illustrations de son regard critique et désolé sur l’évolution de l’hôpital.
Il y est beaucoup question des soins, des difficultés du travail infirmier, de la lourdeur de la tâche professionnelle pour un salaire peu attractif, de la mission du cadre infirmier bataillant avec les lits manquants, les contraintes de planning ou le recrutement impossible des infirmières mais aussi de la dégradation croissante des conditions de travail, de l’absence de reconnaissance de la profession, des exigences de la T2A, de la rentabilité et des impératifs budgétaires.
À l’hôpital public, les injonctions se succèdent et ne se ressemblent pas : après celle de recruter pour augmenter l’activité dans les années 1980 est venue celle de « réduire la voilure » en fermant des lits de façon à baisser l’activité. Réalisation d’économie budgétaire après l’autre, comment nous soignerons-nous demain alors que la population vieillit et se paupérise, demande M. Schachtel, qui a pu observer au fil des années ce qu’elle qualifie de démantèlement de l’hôpital et déplore la voie royale faite au système de l’Assurance-maladie selon le modèle américain.
Ce témoignage est d’autant plus alarmant que son auteur quitte l’hôpital Européen Georges Pompidou, le « navire amiral » de l’AP.-HP, considéré comme l’un de ses hôpitaux les mieux lotis !
Martine Schachtel, « l’Hôpital à la dérive - Le cri du cœur d’une infirmière », Albin Michel, 222 pages, 15 euros.
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