La sédation en endoscopie digestive

Comment la pratiquer en l’absence d’un anesthésiste?

Publié le 29/09/2014
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Crédit photo : PHANIE

Deux millions d’endoscopies digestives sont pratiquées chaque année en France. La coloscopie est effectuée sous anesthésie générale (ou sédation profonde) sous la responsabilité d’un anesthésiste. Il en est de même pour l’endoscopie interventionnelle, alors que la fibroscopie digestive haute est faite soit sous sédation profonde, soit sous anesthésie locale. Dans la plupart des autres pays, les endoscopies digestives sont réalisées sous sédation dite vigile sous la responsabilité de l’hépatogastroentérologue (HGE). Les produits utilisés sont alors les morphiniques et le Midazolam, plus rarement le Propofol.

Pourtant, l’anesthésie telle qu’elle est pratiquée en France est très encadrée, par les règles de l’anesthésie ambulatoire en particulier, et hautement sécurisée par la réalisation des endoscopies dans un bloc adossé à une salle post-interventionnelle. Le revers de cette organisation est son coût et le manque de disponibilité des anesthésistes dans certaines unités -notamment publiques hospitalières- pour ces activités non chirurgicales. Cela peut entraîner des délais d’examens inacceptables ou des pratiques atypiques de sédation par l’HGE n’ayant pas toutes les conditions d’environnement sécurisées, voire des coloscopies sans anesthésie.

Que peut faire un HGE français s’il veut effectuer une endoscopie digestive sous sédation sans la présence d’un anesthésiste ? :

1) il peut utiliser le mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote (MEOPA) après une formation brève et dans un local ventilé

2) de façon très ponctuelle, des endoscopies sous hypnose sans anesthésiste ou sous relaxation sont faites par certains HGE.

3) les autres formes de sédation (intraveineuse ou non) engagent sa responsabilité. Il utilise alors soit des benzodiazépines : principalement le Midazolam en raison de sa courte durée d’action, par voie sublinguale ou intraveineuse (cette voie permet d’effectuer une titration), soit des morphiniques. Les associations sont déconseillées. Le Propofol et la Kétamine sont 2 molécules très intéressantes mais sont réservées en France aux anesthésistes. Même si l’HGE respecte les recommandations européennes en ciblant les patients à faible risque anesthésique (ASA 1 et 2), avec l’environnement et la surveillance nécessaire (oxygène, aspiration et saturomètre), il s’expose à un risque médicolégal en cas de complications lié à la sédation. De plus, il est en général peu soutenu par l’équipe d’anesthésie de son institution. Le patient doit être informé de cette pratique et doit pouvoir choisir une alternative de sédation avec anesthésiste.

Une voie possible

Y a-t-il en France une place pour la sédation par l’HGE telle qu’elle pratiquée et validée dans la plupart des autres pays du monde ? : la rédaction en 2 012 par un groupe de travail (SNFGE, SFED, SFAR, HAS et d’autres spécialités) d’une recommandation formalisée d’experts sur la sédation par le non-anesthésiste, même si elle n’a pas atteint toutes les validations souhaitées, montre qu’une voie est possible. Celle-ci passera par une formation encadrée pour l’HGE et les infirmiers d’endoscopie souhaitant s’engager dans cette technique. La place des infirmiers anesthésistes pourraient être discutée dans ce dispositif. La démographie des anesthésistes, la pression économique, l’engagement des sociétés savantes, les échanges scientifiques européens pourraient favoriser l’aboutissement de ces pratiques, en débutant probablement par des centres pilotes et en collaboration avec les anesthésistes.

Centre Hospitalier Bretagne Atlantique, Vannes

Dr Denis Grasset,

Source : Bilan spécialistes