L’approche agnostique permet d’évaluer une nouvelle thérapie ciblée, l’erdafitinib
L’approche histo-agnostique en cancérologie repose sur des profils moléculaires identiques retrouvés dans différents cancers. Cette approche permet d’attribuer le traitement non pas selon le type de cancer, mais selon l’altération génétique. Aussi, cette stratégie a conduit au développement des inhibiteurs de gènes de fusion NTRK contre différentes tumeurs solides.
L’étude RAGNAR (Abstract#3007) a été menée en se fondant exclusivement sur les altérations des gènes FGFR 1,2,3 et 4. Ces mutations génétiques se retrouvent dans une grande variété de cancers puisqu’elles concernent notamment 2 % des gliomes, 15 à 20 % des carcinomes urothéliaux (cancer de la vessie), 8 % des cholangiocarcinomes (cancers des voies biliaires) et moins de 1 % des cancers du poumon, du rein, du col de l’utérus et du cancer colorectal.
L’analyse intermédiaire de l’étude RAGNAR (Abstract#3007), présentée par le Dr Yohann Loriot (Gustave-Roussy, Villejuif) montre, pour la première fois, que l’erdafitinib, inhibiteur oral des FGFRs ciblant les mutations et fusions des gènes FGFR, pourrait apporter des bénéfices chez des patients atteints d’une vingtaine de cancers et de tumeurs solides rares à un stade avancé, présentant des mutations et fusions de gènes FGFR (1 à 4)
Plus de trois quarts des patients inclus (n=178) présentaient des métastases viscérales et 40 % d’entre eux avaient déjà reçu au moins 3 types de traitements antérieurs. Tous les patients étaient en impasse thérapeutique avant l’inclusion dans l’essai. « Le taux de réponse objective, évalué par un comité de revue indépendant, est de 29 % avec un taux de contrôle de la maladie de plus de 70 %. Par ailleurs, la durée de réponse a été mesurée avec une médiane de 7 mois. Un grand nombre de tumeurs peuvent être sensibles à ce médicament. C’est le cas des cholangiocarcinomes (8 % de patients concernés), ou des tumeurs difficiles à traiter comme le cancer du pancréas, les tumeurs des glandes salivaires, les tumeurs d’origine inconnues, le cancer du sein, des gliomes de haut grade, cancers du poumon, cancers gastriques… avec une grande variété de réponses », précise le Dr Yohann Loriot. Une analyse définitive est attendue à la fin de l’année 2022.
Quelques effets secondaires connus et réversibles (hyperphosphorémie, syndrome main pied et rétinopathies) ont été observés et gérés avec des mesures de soins de support et de réduction de doses. Déjà approuvé dans plusieurs pays dans le traitement du cancer de la vessie avec certaines mutations ou fusion des gènes FGFR2/3, l’erdafitinib est une nouvelle thérapie ciblée.
Cancer colorectal métastatique : vers un changement de paradigme
Après avoir présenté les résultats de l’essai de phase 3 PARADIGM en session plénière (Abstract#LBA1) du congrès ASCO 2022, l’auteur de cet essai, le Pr Yoshinoa affirmé qu’une nouvelle combinaison thérapeutique devenait un standard de première ligne chez des patients avec un cancer colorectal métastatique sans mutations des gènes RAS et de localisation colique gauche.
PARADIGM est un essai randomisé mené au Japon comparant l'efficacité et la sécurité d’utilisation du panitumumab (Vectibix), un anticorps monoclonal humain dirigé contre l’EGFR (récepteur du facteur de croissance épidermique) plus mFOLFOX6 versus le bevacizumab (anti-VEGF) plus mFOLFOX6 chez des patients naïfs de chimiothérapie atteints de cancer colorectal (mCRC) avancé non résécable (n=823). Il s'agit du premier essai prospectif visant à évaluer les options de traitement pour les patients atteints de mCRC de type sauvage RAS et de tumeur primaire du côté gauche (côlon descendant, côlon sigmoïde et rectum). Les résultats de l'essai ont montré que l'association mFOLFOX6 + panitumumab apporte une amélioration statistiquement significative de la survie globale (OS) par rapport à l'association mFOLFOX6 + bevacizumab chez les patients présentant une tumeur primitive du côté gauche ou indépendamment de la localisation de la tumeur (OS médiane pour les tumeurs du côté gauche).
Après 61 mois de suivi, le panitumumab a réduit de 18 % le risque de décès dans les tumeurs du côlon gauche (SG : 37,9 versus 34,3 mois, p = 0,031) et de 16 % sur l’ensemble de la population (SG : 36,2 versus 31,3 mois, p = 0,03). Le taux de réponse était amélioré sous panitumumab (respectivement 80,2 % versus 68,6 % et 74,9 % versus 67,3 %), mais la survie sans progression était équivalente à celle du groupe bévacizumab.
On rappelle que 36 % des patients atteints de cancer colorectal sont diagnostiqués à un stade avancé avec présence de métastases. Dans cette population, l’ajout d’un anticorps anti-VEGF ou anti-EGFR à la chimiothérapie permet d’obtenir jusqu’à 30 mois de survie globale supplémentaire.
Dans 35 % des cas de cancer colorectal métastatique, la localisation de la tumeur principale est au niveau du côlon gauche. Cette localisation est connue pour être de meilleur pronostic qu’une tumeur située dans le côlon droit.
Sarcome d’Ewing : identifier les meilleurs protocoles de chimiothérapie
Un essai de phase 3, rEECur, randomisé, international de chimiothérapie concernant le traitement du sarcome d'Ewing réfractaire récurrent et primaire (RR-ES) a été présenté également en session plénière (Abstract#LBA2). Le sarcome d'Ewing est un cancer très rare des os et des tissus mous qui touche principalement les enfants et les jeunes adultes.
Les patients âgés de 4 à 50 ans atteints de SE-RR ont été assignés en aveugle dans 4 bras thérapeutiques : topotécan associé au cyclophosphamide (TC), irinotécan associé au témolozomide (IT), gemcitabine associé au docétaxel (GD) ou l'ifosfamide à haute dose (Ifos). Le critère de jugement principal était la survie sans événement. « Il n’existe pas de standard de deuxième ligne thérapeutique, cette étude a permis dans une approche pragmatique d’écarter rapidement deux traitements, » a indiqué le Pr Jean-Yves Blay (président d’Unicancer). L’analyse présentée a donc comparé les deux bras de traitements retenus : l’association topotécan et cyclophosphamide (TC) versus l’ifosfamide haute dose (Ifos).
Le critère de jugement principal était la survie sans événement. Les critères de jugement secondaires comprenaient la survie globale (SG), la toxicité et la qualité de vie (QoL).
Après 47 mois de suivi, l’Ifos prolongeait significativement la survie sans récidive par rapport au TC (survie sans récidive : 5,7 versus 3,5 mois) et la SG (15,4 versus 10,5 mois), malgré davantage d’arrêts de traitement liés à la toxicité (26 % versus 0 %). Il améliorait ainsi la survie sans récidive à six mois (47 % versus 37 %) et la SG à un an (55 % versus 45 %).
L'étude rEEcur trial poursuit le recrutement de patients pour le groupe ifosfamide et un cinquième groupe de chimiothérapie (carboplatine + étosopide) a été ajouté.
Cancers du rein à un stade avancé : une immunothérapie « deux en un »
MEDI5752 est un nouvel anticorps bispécifique au mécanisme d’action différent (Abstract#107), c’est une immunothérapie « deux en un. Il s’agit en effet d’une seule molécule capable d’inhiber deux cibles distinctes connues en immunothérapie que sont PD1 et CTLA-4. « L’association de ces deux anticorps a démontré un bénéfice en survie dans le cancer du rein et cette association thérapeutique est déjà disponible en France (nivolumab et ipilimumab). Mais nous n’avions pas la possibilité d’avoir ce double ciblage en un seul médicament. » explique l’investigatrice principale de l’essai présenté à l’ASCO, le Dr Laurence Albiges (Gustave Roussy, Villejuif). Ce médicament a été évalué pour la première fois chez l’homme dans une étude de phase I à différents dosages chez des patients atteints de tumeurs solides, puis chez un groupe de patients atteints de cancers du rein à un stade avancé.
Les premiers résultats liés à la cohorte du cancer du rein dans laquelle 78 patients en phase métastatique n’ayant jamais reçu aucun traitement, ou traités en 2e ligne, ont été répartis entre différents paliers de doses identifiés à 500, 750 et 1 500 mg. MEDI5752 leur était administré à raison d’une perfusion à l’hôpital toutes les 3 semaines.
Le premier critère de l’étude portait sur l’évaluation de la tolérance du médicament. Les principales toxicités rapportées, cutanées, hépatiques et thyroïdiennes, n’étaient pas inattendues et surtout présentes aux paliers de dose les plus élevés, le pallier de 750 mg semblant associé à une réduction du risque de survenue de ces toxicités.
Les résultats montrent également que les patients n’ayant jamais été traités auparavant répondaient le plus favorablement à cette double immunothérapie en un seul médicament. Près de 58,3 % d’entre eux présentaient une réduction tumorale de leurs lésions après un suivi médian de 18 mois. « Les réponses ont été précoces, profondes et prolongées sans véritable effet dose ; les paliers de 750 et 1 500 mg ont une efficacité qui semble assez similaire » constate le Dr Albiges.
Pour la cancérologue, « Cette nouvelle stratégie prometteuse de double immunothérapie en un seul médicament devrait permettre d’amplifier la réponse immunitaire et de définir de nouvelles combinaisons thérapeutiques ».
D’après une conférence de presse Unicancer et des communiqués de presse Asco.
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