Une étude en médecine générale

De quoi souffrent les migrants ?

Publié le 09/09/2017
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Crédit photo : BURGER/PHANIE

Infections des voies respiratoires, gale mais aussi asthme ou DT2… Dans un article publié mardi dans le BEH*, H Huaume et al. dressent le profil de santé des migrants en situation de précarité en France.

Alors que cette population semble particulièrement vulnérable sur le plan sanitaire, « leurs problèmes de santé sont peu documentés » soulignent ces auteurs. D’où l’intérêt de leur travail qui a comparé les motifs et les résultats de consultation des populations accueillies dans les Centres d’accueil, de soins et d’orientation (Caso) de Médecins du Monde entre décembre 2011 et mars 2012 à un échantillon national de patients vus en médecine générale de ville sur la même période. Au total, 15 608 consultations réalisées dans les Caso ont été comparées à 19 344 consultations de médecine générale (base de données de l’étude Ecogen).

Par rapport aux patients vus en médecine générale, les migrants consultants dans les structures de Médecins du Monde sont globalement plus jeunes (plus des ¾ avaient moins de 45 ans) avec une prédominance masculine. Ils cumulent généralement moins de motifs de consultation (1,4 vs 2,6) avec peu de demandes de renouvellement de prescriptions (2,1 % vs 20,4 %) ou de suivi (3,5 % vs 5,3 %). Les situations de prévention sont rares (0,1 %) alors qu’elles représentent le premier résultat de consultation en médecine générale de ville (11,7 %).

Les problèmes de santé les plus fréquents sont les infections des voies respiratoires supérieures (6,0 %), la toux (2,1 % vs 0,6 %) et les bronchites ou bronchiolites (2,1 % vs 1,5 %). En termes de diagnostics, les populations des Caso sont plus souvent atteintes de problèmes de la sphère digestive (dont 20,8 % de problèmes dentaires et gingivaux et 9,1 % d’hépatites virales), oculaires (dont 38,8 % de défauts de réfraction et de problèmes de lunettes), cutanés (dont 12,6 % de dermatophytoses et 10,2 % de gale ou acarioses) et respiratoires (dont 8,1 % d’asthme). En revanche, ils présentent moins souvent de problèmes « généraux » (4,5 % vs 17,6 %), métaboliques (4,5 % vs 10,7 %) ou cardiovasculaires (8,3 %, vs 12,8 %). La proportion de patients atteints de troubles psychologiques est comparable dans les deux populations.

Enfin, dans la classe d’âge 15-44 ans, les patients des Caso présentent davantage de pathologies chroniques que ceux de médecine de ville (23,2 % vs 20,9 %). Par exemple, la fréquence du diabète de type 2 est aussi élevée dans la population consultant en Caso qu’en médecine de ville, malgré une différence moyenne d’âge de 10 ans, « ce qui témoigne du risque de diabète précoce dans cette population » illustrent les auteurs.

Ces spécificités s’expliquent bien sûr par les conditions de vie des migrants. Ceux pris en charge dans les Caso sont en effet pour la plupart dans une situation de grande précarité, avec un logement instable, sans emploi, et sans couverture maladie. Pour les infections ou les troubles digestifs par exemple, « l’absence ou les mauvaises conditions de logement (promiscuité, insalubrité, absence de chauffage, humidité) et les difficultés d’accès à une alimentation riche et variée rendent particulièrement vulnérables à ces pathologies ».

Les conditions de vie dans les pays d’origine peuvent aussi entrer en ligne de compte. Ainsi, l’excès de maladie chronique « est vraisemblablement lié à l’apparition plus précoce des pathologies chroniques chez les migrants, du fait de leurs habitudes et comportements dans leur pays d’origine, de leur parcours de migration et de la précarité de leurs conditions de vie dans le pays d’accueil » analysent les auteurs.

Mais le parcours de soins semble aussi intervenir. « En l’absence de couverture maladie, les consultants des Caso ne peuvent s’adresser à la médecine libérale, comme les assurés sociaux, pour obtenir des soins dentaires ou ophtalmologiques. Le recours à ces soins est alors possible uniquement dans les structures permettant un accès gratuit, lorsqu’elles existent ».

Au final, ces résultats « mettent en évidence la demande de soins urgents et l’influence de la vulnérabilité sur l’état de santé des migrants en situation de précarité. Il est essentiel de faciliter l’accès aux droits pour ces populations afin de leur permettre un recours non retardé aux soins et à la prévention » concluent les auteurs.

*BEH 19-20


Source : lequotidiendumedecin.fr