L E bilan définitif des dépenses d'assurance-maladie en 2000 - qui confirme les résultats provisoires publiés en janvier - n'est guère encourageant pour le gouvernement et les gestionnaires de cette branche de la Sécurité sociale. Non seulement les dépenses dérapent, mais la situation ne devrait pas s'améliorer dans les mois à venir.
En effet, selon les dernières statistiques de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) qui ne sont pas encore tout à fait définitives, les dépenses maladie de l'ensemble des régimes de Sécurité sociale ont progressé d'environ 5,6 % par rapport à l'année précédente, soit une tendance effective de 6 % à nombre de jours de liquidation des feuilles de soins identique (1).
Soins de ville : 17 milliards de dépassement
L'objectif national des dépenses d'assurance-maladie (ONDAM) fixé par le Parlement et qui prévoyait une hausse limitée à 2,5 % s'est donc, une fois de plus, révélé irréaliste, et le dépassement devrait être de l'ordre de 18 milliards de francs. L'essentiel de ce dépassement, soit 17,2 milliards de francs, est dû à la forte croissance des soins de ville (honoraires, prescriptions, indemnités journalières) qui progressent, tous régimes confondus, de 7,8 %. Pour le seul régime général - qui regroupe 80 % des dépenses -, les soins de ville ont augmenté de 9 %, en raison notamment de la forte hausse des prescriptions (11,2 %) et des indemnités journalières (8,8 %). Les dépenses de la plupart des professions dites « prescrites » (infirmières, kinés, orthophonistes et orthoptistes) augmentent à un rythme important - entre 8 % et 10 % - qui atteint même 15 % pour les sages-femmes. Les dépenses de médicaments du régime général se sont accrues, elles, de 11 %. Celles des médecins augmentent de 6,5 % pour les généralistes et de 5,5 % pour les spécialistes.
Des objectifs irréalistes
Mais le plus préoccupant pour l'assurance-maladie est que la tendance à une forte hausse observée durant l'année 2000 ne semble pas s'infléchir en ce début d'année 2001. Même si, selon la CNAM, les comparaisons avec l'année dernière, année de mise en uvre de la CMU, sont délicates à établir « les premiers résultats du mois de janvier 2001 apparaissent relativement élevés, dans un contexte épidémique peu marqué ». Si elle ne donne pas de chiffre, la CNAM estime que le niveau de ces dépenses « est proche du niveau moyen des dépenses du dernier trimestre 2000 ». Or, la hausse des dépenses durant cette période s'est située entre 0,6 et 0,8 % par mois et de 1 % pour les dépenses hors hospitalisation.
Le respect de l'objectif d'évolution des dépenses d'assurance-maladie en 2001 semble donc compromis. Fixé à 693,3 milliards, cet objectif était censé correspondre à une hausse de 3,5 % par rapport aux dépenses 2000. Mais il a été établi en prenant pour base des dépenses 2000 sous-estimées puisqu'elles ont été calculées à partir des chiffres de la commission des comptes de la Sécurité sociale qui prévoyait, en septembre dernier, que l'augmentation des dépenses maladie en 2000 serait de 4,9 % (tous régimes confondus). Or, elle a été de de 5,5 ou 5,6 %, soit 0,6 % à 0,7 % de plus. Dans ces conditions, les 693,3 milliards fixés pour 2001 ne correspondent plus qu'à une hausse de 2,8 % ou 2,9 % par rapport aux dépenses effectives de l'an dernier.
L'ODD fixé avant la mi-mars?
Compte tenu du rythme de progression de dépenses observée au cours des derniers mois, il est donc plus que probable que ce taux très strict sera dépassé. « Pour tenir un tel objectif, il faudrait envisager des hypothèses de modération des dépenses inimaginables, voire de diminution, ce qui ne s'est jamais produit depuis 1996 », analyse un statisticien de la CNAM.
La fixation de l'objectif de dépenses déléguées (ODD) qui regroupe les dépenses d'honoraires des professionnels de santé libéraux et les dépenses de transports sanitaires se révèle donc délicate pour le gouvernement comme pour la CNAM qui doit gérer cet ODD. Prévoir un objectif et tenter d'en assurer le respect impliquerait sans nul doute de prendre de nouvelles mesures de baisse des tarifs de certains de ces professionnels et de relancer le mouvement de mauvaise humeur de l'année dernière. Un exercice délicat au moment où Elisabeth Guigou tente précisément de renouer le dialogue avec eux et de remettre à plat le dispositif de maîtrise des dépenses de santé.
Ce qui explique sans doute le retard pris dans la publication de cet objectif prévu à la mi-janvier. L'avenant à la convention d'objectif et de gestion entre l'Etat et la CNAM, qui doit fixer les contours de cet ODD, est donc toujours officiellement « en phase d'élaboration » et devrait être prêt, selon le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, avant la mi-mars. « Les prévisions étant dépassées, il faut analyser les dépenses de manière plus fine pour voir ce qu'on peut faire pour l'année en cours et faire en sorte de fixer des objectifs le plus réalistes possible », explique-t-on à la CNAM. Le premier rapport d'équilibre qu'elle devra négocier avec les professionnels de santé (c'est ce document qui peut théoriquement prévoir des baisses de tarifs) sera donc reculé d'autant, laissant sans doute le temps au gouvernement de poursuivre la concertation engagée le 25 janvier.
(1) L'année 2000 comportant deux jours ouvrés de moins que l'année 1999 ( c'est-à-dire deux jours durant lesquels les caisses n'ont pas effectué de remboursements), les taux de croissance dégagés à partir des résultats bruts (5,6 %) minorent le taux de croissance effectif, qui serait donc de 6 %.
Les dépenses maladie du régime général en 2000
.
MontantsTaux d'évolutionTaux d'évolution
en millions de Fsur un ancorrigé des jours
ouvrés
.
Soins de ville256 9238,1 %9 %
Honoraires médicaux et dentaires78 4934,4 %5,2 %
Prescriptions141 45510,3 %11,2 %
Indemnités journalières36 9767,9 %8,8 %
Etablissements sanitaires (*)217 2993,4 %3,4 %
Etablissements sanitaires privés34 9023,3 %4,2 %
Etablissements médico-sociaux (*)39 7226,2 %7,1 %
Total ONDAM548 8475,8 %6,3 %
.
(*) Ces montants intègrent les régularisations comptables de dotation globale mises à la charge du régime général, soit environ 1,4 milliard concernant les établissements sanitaires sous dotation globale.
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