Cancer du côlon

Des biofilms de bactéries favorisent l’oncogenèse

Publié le 11/05/2015
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Crédit photo : PHANIE

Il y a quelques mois, une équipe internationale de chercheurs montrait que les tumeurs dans le côlon ascendant sont la plupart du temps associées à la présence de biofilms bactériens, une sorte de matrice composée de colonies bactériennes qui tapisse la lumière intestinale du colon. Quel lien entre ces biofilms et le cancer ? C’est la question à laquelle s’est attelée cette même équipe, qui vient de publier ses nouvelles découvertes dans la revue « Cell Metabolism ».

Les auteurs sont d’abord partis à la recherche des métabolites présents dans des échantillons de tissus de colons humains. Leurs analyses ont révélé que les tissus cancéreux présentaient des quantités anormalement élevées d’un métabolite, le N1, N12 – diacétylspermine. Le métabolite était en effet 9 fois plus abondant dans les échantillons tumoraux que dans les échantillons non-tumoraux. Sa présence était encore décuplée dans les tissus comportant un biofilm bactérien en plus des cellules tumorales. « Ces données suggèrent très fortement que les cellules de l’hôte et les colonies bactériennes produisent tous deux ce métabolite », note le Dr Cindy Sears, l’un des auteurs principaux de l’étude.

Le N1, N12 – diacétylspermine appartient à la famille des polyamines, qui sont impliquées dans la prolifération cellulaire de manière générale. Les polyamines sont exprimés dans les cancers, mais également dans les tissus sains à croissance rapide. Enfin, les auteurs expliquent que les bactéries, elles aussi, se servent des polyamines pour booster leur propre prolifération et ériger les biofilms.

Cercle vicieux

Dans leur précédente étude, publiée dans « PNAS », l’équipe avait montré que la présence d’un biofilm bactérien etait associée à une inflammation chronique dans le tissu, mais aussi à une accélération de la prolifération cellulaire. « Si les cellules prolifèrent plus rapidement, il y aussi une plus grande chance qu’elles effectuent une erreur de réplication », note le Dr Sears.

A partir de toutes ces observations, les auteurs suggèrent que les biofilms favoriseraient le processus tumoral dans le colon en induisant un processus inflammatoire et une prolifération cellulaire. Cette prolifération accrue serait accompagnée d’une hausse de la production de polyamines, que les bactéries utilisent pour édifier le biofilm. « C’est un véritable cercle vicieux qui s’auto-alimente, avec une production sans cesse croissante de N1, N12 – diacétylspermine », notent les auteurs.

Pour le Dr Sears, la prochaine étape consistera à déterminer si les individus sains porteurs de biofilms dans leur colon développent des changements oncogéniques plus rapidement que ceux sans biofilms. « Cela requiert une étude prospective. Mais si ça se révèle être le cas, alors les biofilms, voire le métabolite en question, pourraient devenir des biomarqueurs signalant un risque accru de cancer du colon », suggère le Dr Sears, qui envisage même la possibilité de prévenir le cancer en agissant sur les biofilms. « Y a-t-il un moyen de perturber la formation du biofilm et diminuer le risque de cancer ? Ce sont des questions difficiles, et qui prennent du temps à résoudre, mais ce sont les questions que notre travail soulève

Siuzdak G et al., Cell Metabolism, 7 mai 2015
Clémentine Wallace

Source : Le Quotidien du Médecin: 9411