Eczéma chronique sévère des mains

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Publié le 30/10/2017
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Par définition, l’ECM est une affection cutanée des mains, évoluant sur plus de 3 mois et/ou avec plus de 2 poussées/an, malgré un traitement adéquat, chez un patient observant. L’origine est souvent multifactorielle favorisée par des facteurs endogènes (atopie, anomalies de la barrière cutanée, prédisposition génétique…) et exogènes (irritation par l’eau, le froid, les détergents… ou allergie de contact).

Les questions à se poser

• Est-ce le bon diagnostic ?

1) Y penser devant :

a) des lésions cutanées inflammatoires du dos ou des paumes des mains et des doigts, une atteinte pulpaire (voire poignets, avant-bras) évoluant sur + de 3 mois et/ou + de 2 poussées/an,

b) sous 3 principales formes cliniques :

- aiguë : eczéma érythémateux vésiculeux et prurigineux,

- chronique : plaque(s) érythémateuse(s), sèche(s), souvent hyperkératosique(s), volontiers fissuraire,

- limitée à la pulpite des doigts, souvent fissuraire.

c) signes fonctionnels : prurit, brûlure, douleur (fissures),

d) contexte d’atopie et/ou de profession à risque (coiffure, ménage, restauration, santé, bâtiment).

2) Diagnostics différentiels :

- psoriasis palmaire : lésions érythémato-squameuses, bien limitées, bilatérales, symétriques (rechercher d’autres atteintes : plaques psoriasiques des coudes, genoux, cuir chevelu, ongles en dés à coudre, atteinte rhumatologique associée, ATCD de psoriasis).

- dermatophytie chronique (tinea manuum) : desquamation farineuse de la paume. À retenir : si 1 main et 2 pieds sont atteints, l’examen mycologique s’impose !

- autres : lichen plan, mycosis fongoïde, gale, acrokératose paranéoplasique de Bazex, connectivites…

• Quel impact sur la qualité de vie ?

Évaluer douleur et limitation des activités+++ (pas toujours proportionnels à la surface lésée). La pulpite fait mal et handicape !

• Le traitement était-il optimal ?

Dermocorticoïdes suffisamment puissants ? En quantité suffisante ? Appliqués suffisamment longtemps ?

• A-t-on éliminé tous les facteurs d’irritation ?

• A-t-on éliminé une allergie ?

Ce qu’il faut faire

• Interroger le patient (éléments déclenchants, rythme professionnel ou non, retentissement).

• Examiner : mains, pieds et le reste de la peau (au moindre doute : examen mycologique).

• Éduquer le patient à supprimer les facteurs irritants :

- lavage de mains : au maximum 10x/jour, à l’eau tiède (l’eau chaude irrite), avec produit lavant surgras sans savon (ni détergents, ni white-spirit…), bien sécher par tamponnement,

- éviter bagues, bracelets,

- porter des gants : contre le froid (hiver) et pour manipuler des produits irritants (domicile et travail !),

- si les gants sont portés plus de 10 mn mettre des sous-gants en coton pour limiter l’hypersudation,

- ne pas manipuler ses mains (enlever les peaux, gratter, frotter…).

• Traiter

- 1re intention : dermocorticoïdes (DC) locaux forts ou très forts, de Classe III (bétaméthasone valérate, diflucortolone, fluticasone, fluocinolone) ou IV (clobetasol, betamétasone dipropionate), à appliquer chaque soir (1x/jour) en quantité généreuse et jusqu’à rémission complète des mains+++ (ne limiter ni en durée, ni en quantité+++ durant la phase d’attaque).

*Attendre que la peau soit moins irritée pour la protéger le jour (au long cours) par un émollient (sans allergène fort : parfum, lanoline ou isothiazolinone, ex : Bariéderm, Cicaplast main, Dexyane MeD…).

- En cas de récidive :

a) retraiter immédiatement par DC.

b) Si récidives fréquentes : prévenir par traitement proactif (DC 2x/semaine sur les mains).

- Echec/formes sévères/récidives :

a) bilan allergologique indispensable : tester produits manipulés (au travail, à domicile) + traitements + émollients,

b) adresser en médecine du travail si rythme professionnel,

c) adresser au dermatologue pour envisager d’autres traitements :

*PUVAthérapie localisée sur les mains

* alitrétinoïne (Toctino®) 30 mg/j ++ plan prévention grossesse obligatoire (contraception, βHCG mensuel) ++ bilan lipidique – prescription initiale dermatologique, renouvelée par le médecin généraliste (évaluation dermato à 3 et 6 mois).

Ce qu’il faut retenir

• Éviction des allergènes et irritants.

• Rrotection des mains.

• Répercussions psychiques.

• Les DC sont très efficaces si prescription adéquate et bonne observance !

D’après un entretien avec le Dr Claire Bernier, dermatologue au CHU de Nantes

Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du médecin: 9614