Rhumatologie pédiatrique

En déficit de formation

Publié le 05/04/2012
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Crédit photo : PHANIE

LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN– Quel est le statut actuel de la rhumatologie pédiatrique en France par rapport à d’autres pays ?

Pr ISABELLE KONE-PAUT – En France, la rhumatologie pédiatrique apparaît encore aux yeux de beaucoup de nos collègues pédiatres comme une spécialité très jeune et peu prioritaire par rapport à d’autres surspécialités pédiatriques alors qu’elle existe internationalement depuis 1973. En Europe, elle connaît une dynamique certaine dans plusieurs pays comme le Royaume-Uni, les Pays-Bas ou l’Italie qui se positionnent comme les leaders continentaux de la discipline. Dans d’autres pays, le mouvement a cependant été beaucoup plus lent et l’on peut ranger la France au rang de ceux-là.

Comment s’organise la spécialité au niveau européen ?

Il existe en Europe deux organismes spécifiques : la Société européenne de rhumatologie pédiatrique (PReS ; http://www.pres.org) et la Paediatric Rheumatology InterNational Trials Organisation (PRINTO ; http://www.printo.it.). Cette dernière est un réseau à vocation initialement européenne, mais qui s’est depuis ouvert à l’international et qui a pour mission d’encourager et de coordonner la mise en place d’études concernant l’efficacité et la tolérance de diverses thérapeutiques, la qualité de vie et l’évolution d’affections rhumatologiques chez les enfants. Quant à la PReS, c’est une société scientifique internationale rassemblant les professionnels de santé européens (et non européens comme membres associés) travaillant dans le cadre de la rhumatologie pédiatrique. C’est elle qui définit les contours de la spécialité, les acquis qu’il faut posséder, les connaissances techniques, les gestes pratiques, etc. Elle peut en outre agréer des centres pour assurer la formation en rhumatologie pédiatrique. La collaboration étroite qui existe entre PRINTO et la PReS a permis de faciliter l’essor considérable que cette spécialité connaît dans certains pays européens et dont la France a aussi largement bénéficié.

Quels sont les besoins spécifiques de la rhumatologie pédiatrique en France ?

Dans notre pays, et malgré une reconnaissance hospitalière certaine depuis la labellisation de deux centres de référence maladies rares pour la rhumatologie pédiatrique à l’hôpital Bicêtre et à l’hôpital Necker, nous accusons un retard certain en matière de formation et donc en nombre de spécialistes de haut niveau. Ce retard est en partie lié à un défaut de reconnaissance universitaire de cette discipline par rapport à d’autres surspécialités pédiatriques. Ce déficit n’est pas propre à la France, mais, dans d’autres pays européens comme le Royaume-Uni, la rhumatologie pédiatrique apparaît dans le top 5 des surspécialités offrant un terrain de stage aux futurs pédiatres et formant des spécialistes. Une réflexion a été engagée aux États-Unis pour connaître le nombre de spécialistes seniors qu’il serait nécessaire de former pour assurer correctement les besoins en matière de soins, de recherche clinique et d’enseignement. Ce nombre critique qui tourne autour de 12 spécialistes pour 10 000 000 enfants est encore loin d’être atteint (16 millions de personnes de moins de 19 ans en France) et il y a donc un déficit à tous les niveaux de la chaîne.

Où se situent actuellement les freins qui empêchent l’essor de la rhumatologie pédiatrique en France ?

Le problème majeur se situe sans conteste au niveau de la formation initiale. Beaucoup d’étudiants qui sont intéressés par la rhumatologie pédiatrique avouent avoir des difficultés importantes pour se former. Il n’y a actuellement en France aucun DESC de rhumatologie pédiatrique et l’unique formation proposée se résume à un seul DIU sur un an dont le contenu est purement théorique. Un étudiant qui sort du tronc commun n’a eu accès qu’à peu de connaissances en rhumatologie, tout comme celui qui a suivi un DES de pédiatrie. Concrètement, si un externe ou un interne ne passe pas à un moment de sa formation dans un établissement qui dispose d’un service ou, à défaut, d’un praticien spécialisé, il n’a quasiment aucune chance d’apprendre à pratiquer un examen articulaire à un enfant.

Au sein du Collège national des PU-PH de pédiatrie, il existe bien une réflexion autour de la création d’un DESC de rhumatologie pédiatrique qui a été poussée par la jeune société SOFREMIP (Société francophone pour la rhumatologie et les maladies inflammatoires en pédiatrie ; http://www.sofremip.org), mais les nombreuses difficultés auxquelles se heurte la création des DESC en général, me portent à croire que tout cela ne bougera malheureusement pas avant un moment. Alors que, au niveau mondial et particulièrement européen, beaucoup de choses sont organisées autour de la rhumatologie pédiatrique, le mouvement national reste encore mince depuis la création, en 2001, de SOFREMIP par le Dr Anne-Marie Prieur. La rhumatologie pédiatrique hospitalière française, organisée autour d’un réseau de 18 centres de compétence, fait pourtant montre d’un certain dynamisme au travers de la SOFREMIP et par sa participation à de nombreux essais cliniques et son affichage dans les plus hautes instances internationales. Cette dynamique se concentre actuellement surtout autour de deux centres de référence, ce qui est encore insuffisant pour faire de la rhumatologie pédiatrique française une discipline aussi dynamique qu’elle peut l’être chez certains de nos voisins européens.

*CEREMAI : http://asso.orpha.net/CEREMAI/

Propos recueillis par Benoît Thelliez.

Source : Bilan spécialistes