Un symposium scientifique international s'est tenu à Paris, sur le thème des effets des éthers de glycol sur la santé. A l'ordre du jour, notamment, les risques liés à l'éthylène glycol butyl éther (EGBE), qui a fait l'objet d'une nouvelle classification en août 2001 sur proposition des autorités françaises. Cette nouvelle classification n'en fait pas une « substance cancérogène ou toxique pour la reproduction ».
Le caractère amphibile des éthers de glycol - à la fois hydrophiles et lipophiles - en a fait un solvant de choix depuis les années 1960 dans de nombreux secteurs industriels. Mais, dans cette famille variée de plus de 30 substances différentes, les propriétés et les profils toxicologiques diffèrent. Grâce à un important recul d'expériences, ces solvants, découverts dans les années 1930, comptent au nombre des composants chimiques les plus étudiés et les mieux connus, notamment dans les risques potentiels liés à leur utilisation. Toutefois, et fort heureusement, la science ne cesse de progresser.
Des effets sur la fertilité
En 1994, une directive européenne relative à la « limitation de la mise sur le marché et de l'emploi de certaines substances et préparations dangereuses » interdisant la mise à disposition du grand public des produits classés « toxiques pour la reproduction (catégories 1 et 2) » demandait à ce que soient retirés de la vente grand public les produits contenant une teneur supérieure à 0,5 % d'EGEE (éthylène glycol éthyle éther), d'EGME (éthylène glycol méthyle éther), d'EGEEA, d'EGMEA (leurs acétates) ou de DEDGME (diéthylène glycol diméthyle éther).
Classés « toxiques pour la reproduction de catégorie 2 » suivant la réglementation européenne des « produits chimiques dangereux pour laquelle des effets ont été démontrés chez l'animal », ces cinq solvants ont également été interdits d'usage dans les produits cosmétiques et les médicaments en 1998, en France. Leur utilisation professionnelle a été limitée aux applications pour laquelle la substitution n'est pas techniquement possible, dans des conditions de sécurité réglementées par le code du travail (évaluation des risques aux postes de travail, mise en œuvre de mesures de protection collectives, respect des valeurs limites d'exposition établies). Un décret du 1er février « établissant les règles particulières de prévention des risques cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction » renforce les dispositions applicables. Il prévoit notamment une protection renforcée des femmes enceintes ou allaitantes en interdisant leur affectation à certains postes.
Les éthers de glycol de la catégorie P, dérivés du propylène glycol, n'ont révélé, quant à eux, aucun effet sur la reproduction, à l'exception du 1-propylène 2-méthyle éther et de son acétate, mais ces deux substances ne sont pas disponibles sur le marché. Un éther de glycol a été classé « toxique pour la reproduction en catégorie 3 ». Il s'agit du diéthylène glycol méthyle éther (DEGME). Les preuves toxicologiques sont actuellement insuffisantes pour que les effets soient avérés. Une quinzaine d'autres éthers sont classés dans la catégorie « nocif » ou « irritant ». Enfin, aucun éther de glycol n'est, à ce jour, classé cancérogène.
Des recherches à développer
« A ce jour »... Des doutes pèsent en effet sur l'EGBE. Le Dr Jeffrey Gift (membre de l'office de recherche et de développement de l'US-EPA et du Service de santé publique des Etats-Unis) souligne que des effets hémolytiques ont été mis en évidence en laboratoire chez les rongeurs et que le potentiel cancérogénique de l'EGBE reste à déterminer. Toutefois, les expériences réalisées sur les animaux de laboratoire laissent apparaître des « preuves suggestives » (suggestive evidence) de cancérogénicité. Et André Cicolella, membre de l'INERIS, d'évoquer des études réalisées dans des usines de Taïwan, d'Ecosse ou du Royaume-Uni, qui révèlent, ici, une hypofertilité des femmes exposées, là, un taux de cancer de l'estomac anormalement élevé, ailleurs, un taux suspect de cancers des testicules. Avant de conclure : « Il est nécessaire de développer les études sur la cancérogénécité des tri-éthers (EGBE et composants similaires). »
Le Dr Sylvaine Cordier (INSERM) et Jeffrey Gift s'accordent à affirmer que les « risques en matière de fertilité » et « l'impact sur la vie fœtale » de l'EGBE sont en revanche avérés.
Que faire ? Développer la recherche, renforcer les mises en garde quant aux précautions d'usage sur les étiquettes, « étendre l'évaluation des dangers à celle des risques », comme le suggère le Dr Luc Multigner, épidémiologiste à l'INSERM, et opter à l'avenir pour le principe de précaution : tester l'innocuité des produits avant de les commercialiser et non l'inverse, ainsi que le propose le Dr David Owen (Shell Chemicals) avec bon sens.
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