C 'EST la première transmission dûment documentée d'un virus herpès simplex de type 1 par greffe de cornée que rapporte une équipe néerlandaise dans le « Lancet ». Certes, des descriptions ont déjà été publiées, impliquant la possibilité d'une transmission du VHS1 au cours de cette intervention, mais jamais, aux dires de Lies Remeijer et coll., avec la preuve par typage génotypique de la souche virale.
Le cas clinique rapporté dans la revue britannique est celui d'un homme de 28 ans atteint d'un glaucome congénital. L'affection a nécessité à trois reprises une greffe de cornée pour traiter l'opacité cornéenne liée au glaucome. En fait, les deuxième et troisième greffes ont été justifiées par un phénomène de rejet concernant le greffon précédent. Le traitement, après la troisième intervention, consistait en un collyre corticoïde à 0,5 %, huit fois par jour. Très rapidement après l'intervention, les médecins constatent une mauvaise épithélialisation, dont la récupération est très lente malgré des soins locaux. Trois mois plus tard, cette large zone non épithélialisée réapparaît. Un prélèvement identifie un VHS1. Trois mois plus tard, l'association d'une kératite incontrôlable et d'un épanchement choroïdien conduisent à la perte de la vision du seul il fonctionnel du patient.
La recherche d'IgM ou d'IgG spécifiques
Les médecins néerlandais décident de mener l'enquête. Tout d'abord, l'ADN du virus prélevé sur les bords du greffon, afin d'en établir le génotype. Le sérum du receveur est également testé rétrospectivement, à la recherche d'IgM ou d'IgG spécifiques. Cette recherche est négative. L'hypothèse la plus probable est donc que le HVS1 a été transmis par le greffon et réactivé lors de la greffe.
Pour confirmer l'hypothèse de départ, les génotypes du virus prélevés sur les bords du greffon (zone non transplantée) et de celui découvert chez le receveur sont comparés. Le génotypage, après amplification par PCR, repose sur les différences dans le nombre de répétitions de l'ADN et de mutations ponctuelles dans les zones hypervariables du virus. Il s'agit bien de la même souche. La transmission au patient séronégatif est bien le fait de la transplantation.
La recherche de multiples agents viraux, bactériens et fongiques
Cette observation soulève le risque de la transmission d'un agent infectieux lors de la greffe cornéenne. Les donneurs sont habituellement soumis à la recherche de multiples agents viraux, bactériens et fongiques avant la transplantation. Et bien que la prévalence de l'ADN du virus herpès de type 1 soit élevée dans les banques de cornées (de l'ordre de 10 %), seule une minorité de patients déclarent une affection oculaire d'origine herpétique. Cette faible morbidité peut être attribuée, selon les auteurs, soit à une immunité des receveurs, consécutive à un contact antérieur avec le VHS1, soit, éventuellement, à une faible charge virale ou à une faible réactivation du virus latent dans le greffon.
Les auteurs rappellent aussi que, bien que la latence du VHS1 extraneuronal dans la cornée ne soit pas bien connue, il est généralement admis que, après greffe de cornée, la kératite herpétique est due à une réactivation du VHS1 du receveur, même si une morbidité d'origine herpétique a déjà été décrite chez des sujets indemnes, lors de greffes cornéennes.
A la lumière de cette observation, les auteurs néerlandais concluent : « Bien qu'apparemment rare, ce mode de transmission du VHS1 doit être pris au sérieux... Pour prévenir la transmission, une comparaison des sérologies entre donneur et receveur est une possibilité. Si un sujet séronégatif pour le VHS nécessite une greffe cornéenne en urgence, en l'absence de donneur séronégatif, une prophylaxie par acyclovir doit être envisagée, tout particulièrement pendant la durée de l'immunosuppression. »
« Lancet », vol. 357, 10 février 2001, p. 442.
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