Halte au papy-boom bashing !

Publié le 05/02/2018
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Oui mais vous, vous l’avez eu facile ! Qui n’a pas entendu déjà ça quelque part ? Il y a un moment qu’on n’en a pas parlé mais soyons tranquilles, ça reviendra… Les cohortes de médecins qui cessent actuellement leur activité sont les générations nées entre 1945 et 1955, entrées massivement dans les études médicales entre 1965 et 1975. À cette époque le drame des boat people (l’Île de lumière, vous vous rappelez ?) puis les débuts d’ ONG telles que MSF, Médecins du Monde etc. ont sans doute favorisé cet engouement qui ne s’est jamais démenti depuis, malgré l’instauration discutable du numerus clausus sous le ministère de Mme Simone Veil, en 1972.

Aujourd’hui ces mêmes hommes et femmes prennent leur retraite et que leur dit-on ? Qu’ils l’ont eu facile…

Certes les études médicales étaient plus accessibles avant le fameux numerus clausus dont on apprécie aujourd’hui les brillants résultats.

Puis ils l’ont eu facile, de s’installer et rachetant une clientèle pour le montant d’1/2 annuité de CA, soit au minimum 50 000 € d’aujourd’hui, le plus souvent sans associé.

Ils l’ont eu facile d’assurer consultations et visites de 50 à 70 heures par semaine, des actes de nuit dits « urgents » 2 à 3 fois par semaine et 5 à 10 week-ends par an quand ce n’était pas plus. C’était l’époque des gardes obligatoires, comme l’était encore le vaccin antivariolique… Facile. Tout le monde trouvait cela normal.

Ils l’ont eu facile aussi d’emprunter au taux atteignant jusqu’à 13,5 % quand il a fallu construire un cabinet médical, une maison, payer une clientèle…

Ils l’ont eu facile de s’astreindre à deux réunions mensuelles de ce que l’on appelait à l’époque la FMC, de 20 h 30 à 24 h, s’ils ne voulaient pas que leurs connaissances soient frappées d’obsolescence, d’autant plus qu’ils étaient gobergés par des laboratoires pharmaceutiques démoniaques qui achetaient ainsi, c’est bien connu, leurs prescriptions tellement ils étaient naïfs. FMC de corrompus, on leur en ferait presque honte aujourd’hui…

Ils l’ont eu facile d’apprendre ainsi « sur le tas » des pathologies comme le sida, de nouvelles techniques diagnostiques comme le scanner, les échographies, l’IRM, d’inventer comment se comporter devant des toxicomanes, des immigrés en situation irrégulière, parfois les mêmes d’ailleurs…

Ils l’ont eu facile de prendre des risques sur les routes par tous les temps lorsque les visites à domicile n’étaient pas contingentées par la Sécu.

Ils l’ont eu facile de se former à l’informatique, puis de s’équiper à leurs frais en matériel et logiciels.

Ils l’ont eu facile enfin, à l’heure où la retraite sonne comme le chantait Ferrat, de laisser leur cabinet vide, sans successeur, ou parfois de se réjouir d’avoir pu trouver enfin un volontaire mais gratuitement bien sûr.

Facile !

Dr Bernard Dauptain, médecin généraliste, Bénagues (09)

Source : Le Quotidien du médecin: 9637