Faut-il avoir peur de la dette ?
La question de la dette sociale est un vrai sujet. Elle a progressé à un niveau jamais vu auparavant. Avant la pandémie, la dette était devenue non coûteuse à court terme du fait des taux d’intérêt à un niveau zéro. Conséquence, l’État avant le remboursement du prêt n’avait plus d’échéance à respecter. Pour les politiques, la dette n’était donc plus un problème. Aujourd’hui avec le retour de l’inflation, se pose la question de l’augmentation des taux d’intérêt. Comment alors assurer le refinancement de la dette à un coût inévitablement plus élevé ? Le problème avait disparu des radars. Mais si l’on regarde les épisodes historiques, la hausse des taux d’intérêt qui est nécessaire pour lutter contre l’inflation est toujours très importante.
Que se produira-t-il à l’automne au moment de la présentation du budget de l’État et du PLFSS ?
Une fois la période électorale terminée, guère propice à l’équilibre des comptes, le futur gouvernement sera confronté à une équation complexe. La dette n’est pas forcément une mauvaise chose lorsqu’il s’agit de financer des investissements d’avenir du type former les générations futures ou traiter la transition énergétique. En revanche, faire payer des soins courants d’aujourd’hui par les générations futures paraît pour le moins difficile à justifier. D’autant que la dépense santé est très marquée en âge. Il nous faut être plus clairs sur la dépense publique. Et assumer des choix. En juin 2020, j’avais écrit une tribune où je prévenais qu’il faudrait bien payer à un moment ou un autre. Nous sommes probablement entrés dans un système d’inflation durable du fait de l’enlisement de la guerre en Ukraine lié à la nécessité de réduire notre indépendance à la Russie. Ce qui a créé un choc énergétique majeur et se diffuse dans le monde entier. À ce choc massif d’inflation, les banques centrales vont devoir réagir et on se retrouve dans une situation fondamentalement différente de celle qui prévalait pendant la pandémie. Nous avons mangé notre pain blanc. Si l’on opte pour le strict régalien, Il faudrait alors se désengager de l’immobilier par exemple. Est-il normal que l’État subventionne l’investissement immobilier ? Les aides au logement sont-elles aussi prioritaires que celles liées à l’éducation ou à la santé ? Je ne le crois pas.
Faut-il cantonner la dette sociale ? Est-ce une bonne mesure ?
Cela relève de l’artifice. Il faut être honnête. Je ne suis pas favorable au cantonnement de la dette sociale et pas davantage à l’illusion d’une dette qui ne serait pas coûteuse. Je préférerais que le choix de dépenses plus élevées que les recettes soit clairement affiché. La dette sociale est une dépense. Au final, elle relève de la dette de l’État. Faut-il distinguer un cantonnement spécifique ? On a augmenté les dépenses à un niveau incroyable. Ce qui a permis de maintenir le niveau de vie des Français. Il n’y a pas de free lunch, comme le disent les Américains. Ce qui ne sera pas financé aujourd’hui le sera demain. La France paye ses dettes depuis la Révolution française. La crise sanitaire s’est produite dans un contexte macro-économique très favorable. Ce qui a permis à la banque centrale européenne de racheter la dette des États. La situation change très rapidement.
Comment doit-on opérer le retour à la normale ?
Certains préconisent un atterrissage en douceur. Il ne faudrait pas sortir de cette politique accommodante trop rapidement. D’autres rappellent la nécessité d’en sortir à plus ou moins brève échéance. Pour la France, je suis favorable à l’extension d’un financement par la CSG. Avantage, elle couvre une assiette beaucoup plus large que les cotisations, et notamment les revenus des retraités. Dans une note pour France Stratégie, je montre que le transfert net des cotisations payées par les plus de 60 ans a très fortement diminué au cours des dernières années. Nous sommes contraints de poser la question intergénérationnelle. Elle est difficile à soulever au cours des campagnes électorales. Concrètement il faut augmenter la participation des seniors au système de santé. La CSG est un impôt proportionnel. Pour ceux qui le souhaitent, il est possible de le transformer en impôt progressif, pour qu’il soit aussi redistributif. Enfin le patrimoine immobilier des seniors pourrait également être mobilisé pour le financement de la dépendance.
Y a-t-il d’autres recettes possibles ?
L’une des solutions les plus construites repose sur l’allongement de la période de travail des seniors. Si les salariés travaillent plus longtemps, on réduit des dépenses sociales en ne versant pas des retraites et on accroît les cotisations. Depuis vingt ans, des progrès dans ce domaine ont été réalisés. Cela n’est pas seulement lié à la mise en œuvre des réformes des retraites. Le mouvement est beaucoup plus global. Dans un livre Les seniors et l’emploi paru aux Presses de Sciences Po, je le qualifie de générationnel. Les nouvelles générations disposent d’un niveau d’éducation plus élevé. Les femmes sont en meilleure santé. Ce qui permet d’expliquer pourquoi les Français travaillent plus longtemps, même si la France est encore très en retard, comparé à ses voisins européens. Le retournement s’est opéré en 2002-2003 avec une progression forte. Historiquement la France a financé les retraites grâce au travail des femmes. Il y a eu un choc positif de l’offre de travail qui a aidé à l’équilibre des comptes sociaux. Désormais la marge du progrès est du côté des seniors.
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