Cancer bronchique non à petites cellules

Immunothérapie et thérapies ciblées changent le pronostic des patients

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Publié le 15/01/2018
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imunothérapie

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Crédit photo : PASIEKA/SPL/PHANIE

Le cancer du poumon touche chaque année 40 000 personnes en France et une grande majorité (60 à 70 %) est diagnostiquée à un stade avancé. Parmi eux 80 % sont des cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) dont 60 à 65 % d'adénocarcinomes, 20 à 25 % d'épidermoïdes plus 15 % de cancers à grandes cellules. Le tabagisme reste le facteur de risque dans plus de 80 % des cas. En parallèle, le sex-ratio tend vers une égalité, le nombre de femmes touchées continuant à progresser parallèlement à l'évolution exponentielle du tabagisme féminin. « Résultat, depuis environ deux ans en Europe le cancer du poumon représente chez les femmes, comme chez les hommes, la première cause de mortalité par cancer juste avant les cancers du sein », précise le Pr Jacques Cadranel (CHU Tenon, Paris).

Immunothérapie : une amélioration du pronostic de près d'un quart des patients

Dans les CBNPC localement avancés, on est toujours à 50 % de récidives à un an. C'est pourquoi de nombreuses études ont exploré l'intérêt d'autres traitements. Les anti-angiogéniques n'ont pas réussi à faire leurs preuves dans les formes opérables en traitement adjuvant. Quid de l'immunothérapie ? Bonne nouvelle, en 2017, l'étude PACIFIC, phase III testant le bénéfice d'une immunothérapie par anti-PDL1 - le durvalumab - après radiochimiothérapie de formes non opérables (stade III) a mis en évidence un allongement singulier de la survie sans récidive. Dans cet essai, le bras anti-PDL1 atteint 16 mois de survie sans récidive versus 6 mois dans le bras placebo (1). «Multiplier par presque trois la survie sans récidive représente une énorme avancée. L'immunothérapie continue donc à bouleverser la donne. Et en pratique clinique, en tant que traitement adjuvant, elle devrait donc venir très vite s'intégrer aux traitements des formes avancées non opérables après radiochimiothérapie ».

Pour mémoire, l'immunothérapie constitue aujourd'hui la première ligne de traitement des formes avancées métastatiques et ceci toutes histologies confondues dans les dernières recommandations internationales (2). On ne peut donc que se réjouir de la mise à disposition, toute récente en France, du pembrolizumab (Keytruda). Un accord, longtemps attendu, sur le prix entre les autorités sanitaires et le laboratoire ayant enfin été trouvé. 

Dans les CBNPC avec une expression forte de PDL1 (> 50 %), l'immunothérapie en première ligne des formes métastatiques donne globalement 40 % de réponses sous anti-PDL1 en monothérapie dont certaines très prolongées. À ces réponses en première ligne, il faut encore en ajouter 20 % en seconde ligne chez des malades progresseurs à une première ligne de traitement. À ceci est venu s'ajouter, cette année, le bénéfice associé au traitement adjuvant des formes localement avancées non opérables après radiochimiothérapie. Résultat, vu l'épidémiologie des CBNPC, c’est-à-dire la fréquence des formes localement avancées non opérables et métastatiques, « l'immunothérapie a globalement transformé la durée de survie de plus d’un malade sur quatre tous stades confondus. C'est une nouvelle révolution », résume le Pr Cadranel 

Démembrement moléculaire et multiplication des thérapies ciblées

« Les adénocarcinomes des non-fumeurs sont porteurs dans au moins 50 % d'anomalies génétiques ciblables. Et le nombre de cibles identifiées allant croissant les traitements "à la carte" se multiplie », résume le Pr Cadranel.

Les mutations EGFR restent les plus fréquentes (10 % des CBNPC, mais 40 % des non-fumeurs). Or de nouvelles thérapeutiques plus efficaces arrivent. Les CBNPC avec une mutation EGFR/T790M se sont montrés très clairement plus sensibles en seconde ligne à l'osimertinib, - un nouvel inhibiteur de kinase (IKT)- qu'à une chimiothérapie cisplatine/pemetrexed (essai AURA III) [3]. Ce même osimertinib s'est en outre avéré plus efficace en première ligne versus les autres TKI traditionnels avec un quasi-doublement de la survie sans progression (19 vs 10 mois) plus un possible bénéfice en survie globale (4). « C'est une importante avancée. Et si le bénéfice en mortalité se confirme, ce sera bien la première fois dans ce type de tumeurs », souligne le Pr Cadranel.

Dans les réarrangements ALK (3 à 4 % des CBNPC) plusieurs nouvelles molécules arrivent en première ligne. Le céritinib vient d'être agréé après un essai versus chimiothérapie avec un allongement de la survie sans progression (16 vs 9 mois). L'alectinib qui vient de montrer sa supériorité au traitement de référence, le crizotinib, devrait aussi être agréé. D'autant qu'il fait plus que doubler la survie sans progression (survie médiane non atteinte à plus de 24 mois de suivi) et devrait très probablement donner un bénéfice en survie globale (5).

Enfin dans les mutations BRAF (2 à 3 % des CBNPC) une étude de phase II testant l'association dabrafenib/tramatinib, les deux molécules agréées en première ligne, a montré un profil d'activité intéressant (64 % de réponses). 

D'après un entretien avec le Pr Jacques Cadranel (CHU Tenon, Paris)
(1)  Astonia SJ et al.Durvalumab after Chemoradiotherapy in Stage III Non-Small-Cell Lung Cancer. NEJM. 2017;377:1919-29
(2) Guideline on Stage IV Non-Small-Cell Lung Cancer Therapy Updated. ASCO, août 2017
(3) Mok TS et al. Osimertinib or Platinum-Pemetrexed in EGFR T790M-Positive Lung Cancer. NEJM. 2017;376:629-40
(4) Soria JC et al. Osimertinib in Untreated EGFR-Mutated Advanced Non–Small-Cell Lung Cancer, NEJM 2017;DOI: 10.1056/NEJMoa17131375. S Petters et al. Alectinib versus Crizotinib in Untreated ALK-Positive Non–Small-Cell Lung Cancer. NEJM 2017;377:829-38
(5) Planchard D et al. Dabrafenib plus trametinib in patients with previously untreated BRAFV600E-mutant metastatic non-small-cell lung cancer: an open-label, phase 2 trial. Lancet Oncol 2017;DOI: http://dx.doi.org/10.1016/S1470-2045(17)30679

Pascale Solere

Source : Bilan Spécialiste