Les gouvernements moins réactifs que les réseaux de trafiquants

La contrefaçon de médicaments, nouveau marché du crime organisé

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Publié le 01/06/2015
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30 % des médicaments vendus en Afrique et en Asie du Sud-Est sont contrefaits

30 % des médicaments vendus en Afrique et en Asie du Sud-Est sont contrefaits
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

La charge est sévère, mais argumentée. À la veille de la journée mondiale de la contrefaçon qui aura lieu le 5 juin, Bernard Leroy, directeur de l’Institut international de recherche anti-contrefaçon de médicaments (IRACM), tire la sonnette d’alarme.

Si la contrefaçon de médicaments touche à peine 1 % du marché dans les pays occidentaux (essentiellement à travers les achats effectués sur Internet), elle touche jusqu’à 10 % des médicaments vendus en Amérique du Sud et en Russie, et jusqu’à 30 % en Afrique et en Asie du sud-est.

« La contrefaçon est en passe de devenir un marché essentiel pour le crime organisé », prévient Bernard Leroy. Des cartels mexicains de la drogue se reconvertissent dans le faux médicament, et des groupes mafieux italiens s’intéressent de plus en plus à ce juteux marché.

« Les contrefacteurs sont bien plus réactifs que les politiques », continue le patron de l’IRACM. Cinq ans après sa rédaction, la convention Médicrime n’est toujours pas entrée en vigueur. Pour cela, le traité international contre les faux produits médicaux, élaboré en 2010 par le Conseil de l’Europe, doit être signé par au moins cinq états membres sur les 47 que comprend le Conseil. Or à ce jour, la convention n’a été ratifiée que par l’Ukraine, l’Espagne, la Hongrie... et la Moldavie.

Un trafic évalué à 70 milliards d’euros par an

La Russie et la France devraient bientôt parapher cette convention, qui entrerait alors en vigueur, mais uniquement dans les pays l’ayant approuvée. En attendant, les peines encourues par les trafiquants de médicaments sont bien moindres que celles prévues pour le recel de drogue, pour des profits bien supérieurs. Mille euros investis dans le trafic d’héroïne ou de fausse monnaie produisent des gains de 20 000 euros. Investie dans les faux médicaments, la même somme permet des gains de 200 000 à 450 000 euros.

Résultat, le commerce illégal est florissant, rappelle de son côté Michèle Ramis, chargée de la lutte contre le crime organisé au ministère des Affaires étrangères. Elle évalue le trafic mondial annuel à près de 70 milliards d’euros, pour un coût humain infiniment supérieur aux ravages de la drogue. L’IRACM calcule que 700 000 personnes sont victimes chaque année d’un faux médicament. Parfois, le médicament se contente de ne pas soigner. Parfois, il tue, comme au Niger en 1995. Cette année-là, 2 500 personnes sont mortes après avoir reçu un vaccin contrefait contre la méningite. En 2009, au Nigeria, 84 enfants sont décédés après avoir bu du sirop de paracétamol frelaté.

Henri de Saint Roman

Source : Le Quotidien du Médecin: 9416