La notion de « surhomme » n’est plus de mise

Publié le 02/11/2015
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Le Pr Alexis Descatha, chef de service de médecine du travail à l’hôpital Raymond Poincaré (Garches), apporte son éclairage.

Les médecins hospitaliers sont-ils malades de présentéisme ? Pas si simple, répond le Pr Descatha : « On ne fait pas le métier de médecin par hasard, la notion de mission de service public est inscrite dans le choix de l’orientation. Le médecin sait prendre sur lui, même si parfois il en fait trop et que cela peut être délétère pour sa santé à lui.

Si, dans les années 1960, le médecin travaillait en étant malade car il se sentait invulnérable – ce qui correspondait à la vision toute puissante de la médecine à l’époque–, aujourd’hui ce n’est plus le cas. Ce qui conduit le médecin salarié à travailler c’est qu’il connaît le déséquilibre qu’il existe dans le milieu hospitalier. Quand on enlève une personne, les autres travaillent plus. Avant il était possible de se faire remplacer par ses collègues, aujourd’hui, les médecins et plus globalement les soignants hospitaliers travaillent à flux tendu.

Un médecin hospitalier responsable et à l’écoute de ses collègues ne va pas s’arrêter pour une pathologie bénigne. L’un des différences majeures avec les années 1960 tient aussi au fait que désormais les médecins ont appris à protéger les patients en portant un masque, des gants et en suivant à la lettre les recommandations d’hygiène. La question de la transmission de la pathologie aux patients est donc moins en première ligne. »

Quant à la situation particulière des médecins atteints de pathologie au long cours, Alexis Descatha l’analyse ainsi : « En cas de maladie chronique, le travail peut s’inscrire dans le maintien de l’équilibre psychologique.

Rester dans le milieu où ils se trouvent bien où ils peuvent recevoir des récompenses narcissiques est particulièrement mis en avant par les médecins lorsqu’ils sont malades à long terme. Mais si la plupart des médecins savent faire la part de ce qui leur est bénéfique dans la poursuite d’une activité, certains vont trop loin et leur santé en pâtit. Les chefs de service doivent être particulièrement vigilants et savoir imposer une suspension temporaire d’activité de leurs confrères afin d’éviter des conséquences qui peuvent être lourdes individuellement et collectivement. »


Source : Le Quotidien du Médecin: 9446