La prise d'antibiotiques pourrait être associée à la survenue de polypes après 60 ans

Par
Publié le 05/04/2017

La consommation d'antibiotiques pendant plus de 2 mois chez l'adulte jeune (20-39 ans et 40-59 ans) est associée à un risque de polypes intestinaux, précurseurs de cancer colo-rectal. C'est la conclusion d'une étude publiée dans « Gut », une revue du groupe « BMJ ».

De nombreuses données suggéraient déjà un rôle du microbiote dans la survenue des cancers colo-rectaux mais peu de travaux, hormis quelques registres européens, avaient exploré l'association entre l'utilisation d'antibiotiques et ce type de cancer.

Plus de 16 000 infirmières américaines de la cohorte NHS

L'étude présentée par Andrew T Chan et col. tente d'aller plus loin en tenant compte de quelques limites comme le manque de suivi à long terme, la prise en compte de facteurs confondants comme la prise d'une antibiothérapie dans le cadre de pathologies prédisposant déjà au cancer ou encore l'influence du style de vie. Pour cela, les auteurs ont étudié l'association entre la prise d'antibiotiques, récente ou antérieure, et le développement d'adénomes chez les infirmières de la cohorte Nurses' Health Study (NHS) incluant 121 000 femmes âgées de 30-35 ans suivies depuis 1976.

Les chercheurs ont limité leur analyse aux données de 16 642 d'entre elles âgées de plus de 60 ans en 2004 qui avaient pris des antibiotiques avant cette date et qui avaient bénéficié au moins d'une coloscopie entre 2004 et 2010. Modalités de l'antibiothérapie et résultats de la colonoscopie étaient documentés dans les questionnaires remplis tous les 2 ans.

Les résultats de cette étude prospective mettent en évidence une augmentation du risque d'adénomes colorectaux chez les femmes qui ont bénéficié d'une antibiothérapie pendant au moins 2 mois lorsqu'elle était plus jeune. Un polype a été diagnostiqué lors de la coloscopie chez 1 195 des 16 642. Lorsque la prise d'antibiotiques remontait à la période de leurs 20-39 ans, le surrisque était de 36 % par rapport aux femmes qui n'avaient pas eu d'antibiotiques ; il était de 69 % lorsque l'antibiothérapie était administrée entre 40 et 59 ans. La prise d'antibiotiques était associée à un risque plus élevé d'adénomes du côlon proximal que du côlon distal ; en revanche, le risque était le même pour les polypes à fort risque de cancer que pour les autres.

Une modification du microbiote

Une prise récente d'antibiotiques n'est pas associée à un risque plus élevé de polypes comme le montre l'évaluation réalisée chez les infirmières qui avaient bénéficié d'une coloscopie entre 2008 et 2010 et qui avaient reçu une antibiothérapie dans les 4 ans précédents.

Les auteurs indiquent que l'étude, seulement observationnelle et dans laquelle certains biais ont pu persister, est la première à établir un lien – dépendant de la durée et de la dose – entre prise d'antibiotiques et cancérogenèse du côlon. Toutefois les résultats ne permettent pas de conclure à un lien de causalité. Toutefois, la modification du microbiote provoquée par la prise d'antibiotiques est une explication plausible du lien observée. Des études ont déjà montré qu'il existait une dysbiose chez les patients souffrant de cancer colo-rectal avec une flore pauvre en phyla Bacteroidetes, en Firmicutes (Clostridia) et en Proteobacteria (Enterobacteriaceae) et riche en Fusobacteria.


Source : lequotidiendumedecin.fr