L y a au théâtre, parfois, des miracles. « Une Bête sur la lune » en est un qui unit tous les publics, tous les âges, qui fait l'unanimité dans une communion qui n'a rien de mièvre ou de convenue, mais qui nous rappelle pourquoi l'art dramatique nous est si nécessaire.
L'actualité, qui veut que la France vienne de reconnaître le génocide des Arméniens, attise l'importance du texte de l'écrivain américain contemporain Richard Kalinoski, qu'Irina Brook avait découvert aux Etats-Unis dans le cadre d'un festival consacré aux écritures théâtrales du jour. Frappée par ce texte, elle le monta d'abord à Londres, déjà avec les deux interprètes actuels, Corinne Jaber et Simon Abkarian, en langue anglaise. C'était en 1996. Puis, elle en créa la version française à Lausanne, au théâtre Vidy que dirige René Gonzalez, avant de la présenter à Bobigny.
Inoubliable moment de délicatesse, de profondeur et de grâce. Inoubliable manière de prendre en écharpe l'Histoire, de montrer comment elle imprime sa marque indélébile aux êtres et comment, survivant, il faut se battre longtemps pour ne pas sombrer. Grande force d'une écriture sans effets tapageurs, grande force d'une construction dramatique subtile, simple et subtile à la fois, grande force de Richard Kalinoski qui donne une épaisseur humaine admirable à ses personnages.
Un art dramatique probe
Irina Brook, avec un tact merveilleux, écrit littéralement une mise en scène sobre, douce, musicale. Et l'on est touché. Et l'on ne craint pas l'émotion car les acteurs, se tenant loin de tout pathétisme facile, jouent avec une aristocratique élégance. La belle traduction de Daniel Loaysa, les décors et costumes d'une heureuse évidence de Noëlle Ginefri et Jocelyne Lucas, les lumières de Pascal Mérat, tout ici est harmonie et discrétion.
Corinne JLes interprètes, un enfant en alternance, Beppe Clerici qui succède au regretté Guy Touraille, mort prématurément, sont justes. A Simon Abakarian et Corinne Jaber, l'essentiel. Mari rigide, qui rêve d'enfants pour effacer la mort, gardien d'une mémoire qu'il croit seul pouvoir honorer, Aram a toute l'aristocratique présence de Simon Abkarian, sa force, sa naturelle souveraineté. Seta, qui ne peut avoir d'enfant, Seta qui a du mal à supporter la photo que conserve Aram, photo d'une famille mutilée, a toute la douceur et l'intransigeance de Corinne Jaber. Seta trouvera dans la maternelle amitié pour un jeune adolescent à dénouer ce qui ligote Aram. C'est beau comme la vie même. C'est la quintessence d'un art dramatique probe qui s'adresse au meilleur de chacun.
Théâtre de l'uvre, à 21 h du mardi au samedi, dimanche à 15 h 30. Durée : 1 h 30 sans entracte (01.44.53.88.88). Au moins jusqu'à la fin avril.
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