« La réalisation systématique de l'ECG est implicite », explique le Pr François Carré

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Publié le 08/09/2016
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Crédit photo : PHANIE

L'ECG, qui est recommandé par les sociétés européennes (2005) et françaises (2009) de cardiologie, est-il toujours de mise pour un certificat de non contre-indication au sport ? Le nouveau décret relatif à ce certificat médical particulier ne fait pas mention de l'examen.

« La réalisation de l'ECG est implicite, explique le Pr François Carré, cardiologue et médecin du sport au CHRU de Rennes. La visite médicale s'est calée sur la fréquence recommandée de l'ECG par la société française de cardiologie pour la pratique du sport en compétition, à savoir tous les 3 ans de 12 à 20 ans, puis tous les 5 ans de 20 à 35 ans. ».

Pour le cardiologue, la loi ne doit pas tout inscrire, car « si les données scientifiques évoluent, il faut réécrire le texte. En Italie, par exemple, les médecins sont contraints de réaliser une épreuve d'effort sous-maximale car elle est inscrite dans la loi, même si l'on sait aujourd'hui qu'elle ne sert à rien. C'est aux médecins de savoir ce qu'il convient de faire ».

Pourtant, tout le monde n'est pas d'accord avec un ECG systématique. « Beaucoup de médecins, qui ne se sentent pas à l'aise avec la lecture de l'ECG, ont peur de passer à côté de quelque chose, analyse le cardiologue. Mais on a une obligation de moyens, non pas de résultats. La combinaison de l'interrogatoire, de l'examen physique et de l'ECG détecte 70-80 % des pathologies cardio-vasculaires, quand la combinaison de l'interrogatoire et de l'examen physique n'en détecte que 10 % », relève le spécialiste.

Avant l'âge de 35 ans, l'ECG permet de détecter des maladies cardiaques silencieuses à risque d'accident grave ou de s'aggraver en cas de sport intensif. C'est le cas pour les maladies génétiques, comme les cardiomyopathies hypertrophiques (CMH) et le ventricule droit arythmogène. « Dans 95 % des cas, il s'agit d'un trouble de la repolarisation, indique François Carré. C'est-à-dire qu'en sachant interpréter les ondes T et l'espace QT, on dépiste la grande majorité des problèmes. Le syndrome de Wolff Parkinson White est à part, mais souvent bien connu des médecins. »

Après l'âge de 35 ans, la problématique est différente, les maladies coronariennes sont la cause de mortalité la plus fréquente. « L'ECG de repos n'est pas très efficace, relève le cardiologue. On ne sait pas à quelle fréquence le faire. L'interrogatoire est essentiel pour repérer les facteurs de risque de maladie coronaire. Si le risque est important, une épreuve d'effort (EE) peut être demandée », précise le Pr Carré.

Pour l'EE, les choses sont moins codifiées que pour l'ECG. « Beaucoup de médecins accordent trop de place à l'EE, détaille le cardiologuqe. Aucun examen, même un coroTDM, ne permet de prédire le risque de rupture de plaque d'athérome. L'EE permet de surveiller de près des patients à risque ».

Éducation des sportifs

Comme c'est le cas après 65 ans. « On a l'âge de ses artères et le sport ne protège pas des accidents cardiaques, rappelle le Pr Carré. L'EE peut être intéressante. Le sport n'est aucunement déconseillé après 65 ans mais il ne faut pas croire que l'on peut rivaliser sans danger avec des sujets de 40 ans, même si l'on fait du sport régulièrement, même si l'on a une hygiène de vie exemplaire ».

L'éducation des sportifs est primordiale. « L'idée de l'auto-questionnaire est une bonne chose, rappelle le Pr Carré. Cela responsabilise les sportifs par rapport à leur pratique et permet d'éviter 40 % des accidents. J'espère aussi que la première visite médicale sera faite avec plus de soins. Par exemple peu d'attention n'est accordée à des chiffres anormaux de tension artérielle. Si un problème est détecté, rien n'empêche de voir le patient une fois par an ».

Une hérésie

Un seul point de désaccord mais de taille. Le récent décret indique que le certificat médical pour le sport à l'école est inutile, oui, mais y compris pour le sport en compétition. « C'est une hérésie, s'insurge le cardiologue. En quoi le sport de compétition à l'école, hors enseignement obligatoire, est-il différent du sport de compétition fait en ville ? Pourquoi faudrait-il un certificat en ville et pas à l'école ? La visite de non contre-indication n'est pas une corvée, ni pour le médecin ni pour le sportif, il s'agit de détecter de potentiels accidents rares et graves ».

 

 

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin: 9515