Des patients sélectionnés sur la « pénombre » à l'imagerie

La thrombectomie utile dans l'AVC au-delà de 6 heures en cas d'ischémie encore non infarcie

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Publié le 25/01/2018
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thrombectomie

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Crédit photo : PHANIE

Chaque heure, chaque minute compte dans l'accident vasculaire cérébral (AVC). Au-delà des 4,5 heures pour la thrombolyse et des 6 heures pour la thrombectomie endovasculaire, les dés sont-ils pour autant jetés pour une intervention agressive dans l'AVC ischémique ? La réponse est non, selon l'étude DEFUSE 3, présentée le 24 janvier au congrès de l'International Stroke Conference à Los Angeles.

Chez certains patients sélectionnés par l'imagerie, l'essai mené chez 182 patients ayant une occlusion d'un gros vaisseau dans 38 unités neurointerventionnelles américaines montre des bénéfices cliniques à réaliser une thrombectomie endovasculaire 6 à 16 heures après l'AVC, s'il persiste suffisamment d'ischémie non encore infarcie, par rapport au traitement médical standard seul.

Dans « The New England Journal of Medicine », l'équipe coordonnée par le Dr Gregory Albers confirme les résultats de l'étude DAWN publiée tout récemment dans le même journal (04/01/2018). L'étude DAWN avait montré l'intérêt d'une thrombectomie au-delà de 6 heures voire jusqu'à 24 heures chez certains patients ayant une clinique sévère et discordante avec l'imagerie. Dans DEFUSE 3, seuls étaient inclus les patients dont l'imagerie de perfusion mettait en évidence du tissu qui peut encore être sauvé, cette fameuse « pénombre ».

Des bénéfices cliniques à 90 jours

L'étude américaine DEFUSE 3 montre que la thrombectomie endovasculaire améliore significativement le pronostic fonctionnel à 90 jours (critère principal) ainsi que le pourcentage de patients sans dépendance, en utilisant le score modifié de Rankin allant de 0 à 6 (0 aucun symptôme et 6 décès).

Le groupe thrombectomie + traitement médical (n = 92) présentait en moyenne un score de 3 versus un score de 4 dans le groupe traitement médical seul (n = 90). Pour les critères secondaires, le groupe thrombectomie comptait 45 % (n = 41) de patients sans dépendance à 90 jours (score modifié de Rankin entre 0 et 2) par rapport à seulement 17 % (n = 15) dans le groupe traitement médical.

La mortalité à 90 jours était significativement plus basse pour le groupe thrombectomie (13 décès, 14 %) par rapport au groupe traitement standard seul (23 décès, 26 %). L'étude ne relève pas de différence significative pour la survenue d'hémorragie intracrânienne symptomatique et d'effets indésirables graves. 

Une évaluation fine de la pénombre

Dans l'étude DEFUSE 3, le délai par rapport à la survenue de l'AVC était de 6 à 16 heures par rapport à la dernière fois où ils ont été vus bien (y compris dans les situations où l'AVC est constaté au réveil). La thrombolyse (t-PA) n'était pas autorisée (sauf dans les cas où le patient est vu dans les 4,5 heures après le début des symptômes). Pour être inclus, les patients devaient présenter une occlusion de l'artère carotide interne cervicale ou intracrânienne ou de l'artère cérébrale moyenne proximale à l'angiographie (TDM, IRM).

La sélection des patients reposait sur : un volume de l'infarctus initial (noyau ischémique) < 70 ml ; un ratio volume tissu ischémique/volume infarctus initial ≥ 1,8 ; volume absolu d'ischémie potentiellement réversible (ou pénombre) ≥ 15 ml.

Ces nouveaux résultats élargissent ceux de DAWN car, expliquent les auteurs, DEFUSE 3 a inclus des patients ayant des noyaux d'infarctus de plus grande taille et des patients ayant des symptômes moins graves. Environ 40 % de la population de DEFUSE 3 aurait été refusée dans DAWN, est-il précisé.

Mieux évaluer la croissance de l'infarctus

Le pronostic après thrombectomie dans DEFUSE 3 était paradoxalement meilleur que dans des essais où les patients ont été pris en charge dans les 6 heures. Pour les auteurs, cette constatation surprenante pourrait s'expliquer par « la sélection des patients dans l'essai DEFUSE 3 avec une circulation collatérale favorable et une croissance de l'infarctus plus lente », écrivent-ils. De même, l'effet plus grand de la thrombectomie dans DAWN et DEFUSE 3 par rapport aux essais réalisés dans les 6 heures pourrait s'expliquer par le pronostic plus défavorable dans le groupe contrôle, où très peu de patients ont été vus à temps pour recevoir une fibrinolyse.

Une observation mérite d'être approfondie à l'avenir, estiment les auteurs. Malgré un meilleur pronostic clinique après thrombectomie, il n'y avait pas à 24 heures de différence significative entre les deux groupes à la fois pour le volume et la croissance de l'infarctus. Alors que la croissance de l'infarctus pourrait s'étaler sur plusieurs jours en l'absence de reperfusion des régions ischémiques selon des données récentes, les auteurs appellent à définir pour les prochains essais des évaluations plus tardives du volume de l'infarctus. 

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin: 9634