« Quand on est allergique à tout, on est allergique à rien », lance d’emblée le Pr Jean-François Nicolas, pour expliquer l’abus de langage qui persiste encore chez les médecins. Par exemple, quelqu’un considéré comme allergique aux β– lactamines, à l’aspirine et aux AINS n’est en fait pas allergique à tous ces médicaments mais hypersensible.
Il en est de même pour les intolérances alimentaires trop souvent qualifiées d’allergies. On parle d’allergie médicamenteuse (hypersensibilité allergique) seulement quand il s’agit d’une réponse immunitaire humorale (anticorps IgE) ou cellulaire (lymphocytes T) excessive vis-à-vis d’un médicament. Dans le cas contraire, on parle d’une hypersensibilité (HS) non allergique.
Débuts identiques
« La peau est le premier tissu qui va exprimer les réactions d’hypersensibilité, qu’elles soient allergique ou non allergique », précise le Pr Nicolas. Ainsi, l’hypersensibilité non allergique et l’allergie à un médicament commencent souvent de façon similaire, par une activation mastocytaire induisant une urticaire segmentaire du visage (angio-œdème) avec dermographisme, un gonflement des paupières et des lèvres, un prurit et un érythème généralisé (piqûres d’ortie) évoquant une allergie IgE (anaphylaxie au sens large). C’est souvent impressionnant (« tête de bibendum ») mais « s’il n’y a qu’un seul organe atteint pour une molécule administrée sur le plan systémique, cela ne peut pas être de l’hypersensibilité allergique (allergie) mais de l’hypersensibilité non allergique ». Dans ce cas, les réactions sont majoritairement bénignes (même s’il existe des rares formes sévères) alors que pour les allergies, rares, le pronostic vital peut être engagé dans de très rares cas.
La cinétique d’installation et de disparition de la réaction est un élément très important pour dissocier HS non allergique et allergie. Une personne qui fait une urticaire généralisée ou un œdème du visage ou un exanthème maculo-papuleux plusieurs jours après voire même dès le lendemain du début de traitement n’a pas fait une réaction allergique car il n’a pas pu être sensibilisé en 24h au xénobiotique. Après l’anamnèse précise et un examen clinique minutieux, le médecin adressera le patient à l’allergologue pour des explorations complémentaires (dosages sanguins et tests cutanés) s’il considère qu’il y a un signe de gravité. Cela aidera le médecin à qualifier le type d’hypersensibilité (non allergique ou allergique) et à l’imputer à un médicament : IPP, β– lactamines, iode, codéine, aspirine et AINS sont souvent incriminés mais par définition on peut être hypersensible ou allergique à tout médicament. Il existe même des cas d’hypersensibilité aux anti-histaminiques et aux corticoïdes. La priorité est de rassurer patient et médecin et de ne pas se priver sans justification de médicaments indispensables, comme les β– lactamines par exemple.
Protocole d’induction de tolérance
Un diagnostic faussement posé d’allergie poussera souvent le médecin à exclure des traitements importants ainsi que toute molécule de la même classe pharmacologique ou chimique. Si le diagnostic de l’allergie est justement posé, un protocole d’induction de tolérance (désensibilisation) pourra être proposé. « Tout patient hypersensible peut recevoir un médicament indispensable même si ce médicament lui a donné une réaction très sévère », conclut le Pr Nicolas. Les protocoles d’induction donnent de très bons résultats en particulier avec les anti-cancéreux.
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