Une équipe française INSERM de l'université d'Aix-Marseille vient de publier, dans la revue « EMBO Molecular Medicine », une étude sur une molécule MG132, capable de réduire l'accumulation de progérine, responsable du syndrome de Hutchinson-Gilford, ou progéria.
Très rare, la prévalence de cette maladie, causée par une mutation du gène LMNA codant pour la production de lamine A, est estimée à 1 naissance sur 10 à 20 millions (3 malades sont répertoriés en France). La lamine A est chargée, comme les autres isoformes de lamine, de garantir la cohérence du noyau après la mitose. Chez les patients atteints de progéria, le gène LMNA muté produit une version modifiée de la prolamine A, aussi appelée progérine.
Problème de maturité
Cette progérine est dotée d'un groupement lipidique qui s'accroche aux membranes nucléaires. En temps normal, ce groupement est retiré au cours de la maturation de la lamine A, mais pas chez les malades. La progérine reste accrochée à l'intérieur de la membrane nucléaire au lieu de sortir dans le cytoplasme. Elle y provoque des cassures de l'ADN, des défauts de prolifération cellulaire.
Ce mécanisme avait été progressivement dévoilé au cours des années 2000 par l'équipe de Nicolas Lévy qui a dirigé l'étude publiée dans « EMBO Molecular Medicine ». Les chercheurs avaient alors envisagé « 3 ou 4 grandes possibilités de traitement », explique au « Quotidien » le Pr Nicolas Lévy.
« Nous avons commencé par essayer de bloquer la toxicité de la progérine, à l'aide d'inhibiteurs de prénylation, ajoute-t-il. Un essai clinique mené à Marseille entre 2008 et 2014 a montré des résultats encourageants mais pas suffisamment d'efficacité. » Dans une deuxième publication, en 2011 dans « Science Translational Medicine », les chercheurs ont expérimenté des molécules antisens pour bloquer la production de la protéine. « Nous avons aussi obtenu des résultats intéressants et on va poursuivre dans cette voie », commente Nicolas Lévy.
Un effet inattendu sur la production de progérine
La troisième voie, celle explorée dans l'article publié aujourd'hui, consiste à promouvoir la dégradation de la progérine. Les scientifiques ont adopté une approche paradoxale : bloquer les protéasomes chargés de la dégradation pour pousser la protéine à s'accumuler encore d'avantage, jusqu'à être expulsée vers l'extérieur du noyau dans des vésicules lysosomiales acides. Ils ont utilisé pour cela le MG132, un inhibiteur de protéasome.
Les expériences ont été menées in vitro sur des cellules de patients, des cellules IPS mésenchymateuses et des cellules musculaires lisses de parois musculaires. Chez l'animal, des injections en intramusculaire ont également été tentées. Grosse surprise : contrairement à ce que les chercheurs avaient prévu, la progérine ne s'accumule pas dans le noyau. Au contraire, même, sa concentration se réduit. « Il y a eu un effet que nous n'avions pas anticipé : le MG132 inhibe aussi la production de progérine en régulant les facteurs d'épissage SRSF‐1 et SRSF‐5 », poursuit le Pr Lévy.
Ces travaux, financés par la fondation universitaire A*Midex et l'AFM-Téléthon, ouvrent la voie vers un essai thérapeutique. « On a monté un programme pour une étude de phase 2, précise le Pr Lévy, mais il va falloir modifier la molécule. En l'état, elle ne peut pas être utilisée chez des enfants. »
MG132 est également en cours d'évaluation dans d'autres pathologies rares du vieillissement comme la dermopathie restrictive. De nouveaux résultats dans ce sens seront bientôt publiés. « La progérine est de plus naturellement produite dans le vieillissement physiologique », ajoute le Pr Lévy qui a créé la société ProGéLife pour gérer le brevet de la molécule.
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