Twitter est un bon moyen de faire passer des messages. Jeunes Médecins l’a bien compris lorsqu’il a partagé le 15 mai le contenu d’un e-mail du député Cyrille Isaac-Sibille (MoDem - majorité présidentielle). Il les invitait, « en prévision des débats relatifs à l’obligation d’installation des professionnels de santé » à échanger « afin de recueillir vos observations et vos propositions quant à cette proposition de loi et à ce débat ». Cette invitation intervient dans le cadre des amendements ajoutés à la proposition de loi portée par Frédéric Valletoux.
« Le ton est donné ! », commente le syndicat de jeunes praticiens, invitant dans un autre tweet à « faire entendre d’autres voix » de jeunes praticiens. Pour lui, « l’obligation d’installation sera un remède pire que le mal, car on ne pourra pas en demander plus à ceux qui ne peuvent plus en donner davantage, sauf à les perdre pour de bon ! »
Du fonds et pas de l’émotion
S’il n’est pas favorable à titre personnel à une obligation à l’installation, l’équipe du médecin ORL de formation explique qu’il « n’y a pas assez de médecins et dans les endroits où certains pensent qu’il y en a trop, en réalité, ce n’est pas le cas ! Nous voulons au moins faire entendre à ceux qui veulent une coercition les effets de bord inévitables. Du fonds et pas de l’émotion, en somme ! »
L’équipe du député fait savoir au Généraliste qu’elle souhaitait « connaître les positions des jeunes médecins. Comme il y aura vraisemblablement des débats à ce sujet, M. Isaac-Sibille comptait avoir le ressenti des principaux intéressés, soit les étudiants. »
Les internes contre l’inscription automatique aux CPTS
Du côté de Théophile Denise, vice-président de l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-MG), la prudence est de mise. « Nous pouvons difficilement avoir un avis sur quelque chose d’hypothétique, même s’il paraît assez probable que la PPL Valletoux soit un véhicule législatif à une régulation de l’installation. Mais la probabilité qu’elle soit adaptée est variable… Au CNR santé, François Braun a rappelé qu’il était contre toute coercition, donc nous pouvons imaginer que la majorité soit contre… »
L’interne est toutefois opposé à la fois à l’obligation de PDSA et à l’article sur l’inscription automatique aux CPTS pour les médecins, toutes deux dans la PPL Valletoux. « Il y a une incompréhension complète de ce qu’est normalement une CPTS : ce sont des professionnels de santé qui ont envie d’y participer et qui ont des projets de soins, comme l’organisation de la PDSA. On ne peut pas forcer des médecins à en intégrer une et s’attendre à ce qu’ils y contribuent… Nous proposons donc actuellement aux députés et sénateurs, avec l’Anemf et ReAGJIR, des amendements pour faire sauter ce principe contre-productif. »
Pas de solution miracle pour l’accès aux soins
Remonté contre le climat actuel, Théophile Denise se prépare à répondre, de nouveau, aux députés. « Les mesures de coercitions ne résoudront pas les problèmes. Le souci, c’est le manque de médecin et le temps médical disponible. Et il n’y a pas de solution rapide, immédiate et révolutionnaire pour l’accès aux soins. Si un politique le prétend, c’est qu’il ment ! »
Faut-il donc faire grève, comme le veut Médecins pour demain ? « Nous n’avons pas, pour l’instant, prévu de rejoindre le mouvement de fermeture des cabinets le 9 juin prochain. Lorsque nous faisons grève, c’est qu’une majorité des internes le veut et croit qu’elle aura un effet. Notre prochaine assemblée générale est dans 10 jours et la PPL Valletoux est à l’ordre du jour. Pour l’instant, il n’y a pas d’urgence, avec le processus législatif, il n’est pas dit que le texte final soit voté avant l’été. »
Des index irréprochables
Interrogé, le député Philippe Vigier (MoDem - majorité présidentielle), signataire de la proposition de loi transpartisane réunissant plus de 200 députés, confirme que « des articles seront déposés en plus des amendements »… dont certains sur une régulation à l’installation de tous les médecins dans les zones sur-denses. « Pour éviter qu’il y ait un 29e dermatologue à Nice ou à Biarritz, par exemple », synthétise-t-il, argumentant qu’il a fait l’expérience, en public, de prendre des rendez-vous médicaux sur Doctolib dans différentes villes avec des résultats diamétralement opposés. « Ces zones existent ! », persiste-t-il, affirmant que « les chiffres actuels de la Drees datent de 2019, donc tout cela est faux : je suis scientifique, je veux des index irréprochables ».
Quant aux chances de voir une régulation à l’installation adoptée, le médecin biologiste de formation affirme qu’il n’a « jamais vu autant de personnes signataires sur un texte transpartisan : c’est déjà un signe ». Ceux qui ne voudront pas voter en faveur de ces idées « devront assumer dans la rue et dans leurs circonscriptions : les Français attendent de nous de trouver des solutions durables, c’est un sujet trop sérieux ! », s’enflamme-t-il.
La tentation de solutions plus radicales
Aux Contrepoints de la santé (diffusée le 16 mai), Frédéric Valletoux a défendu son texte, visant à « responsabiliser » les acteurs. Mais il a rapidement avoué que « cette loi ne révolutionnera pas le système de santé ». Ne souhaitant pas parler de déserts médicaux mais de « mauvaise répartition des forces médicales dans le territoire, ce qui conduit à une inégalité de soins », il a toutefois mentionné la « tentation de s’orienter vers des solutions beaucoup plus radicales », émanant de « tous les bords politiques ».
Guillaume Garot, Philippe Vigier et d’autres membres du groupe transpartisan ont d’ailleurs rencontré Frédéric Valletoux mercredi 17 mai pour discuter de la PPL de ce dernier. Pour le député socialiste de Mayenne, « c’était un premier échange formel qui s’est bien passé ». Mais pour « l’encadrement de la liberté d’installation » des médecins, « Valletoux y voit des difficultés, nous y voyons une urgence de trouver des solutions », lâche-t-il. Guillaume Garot s’en remet au travail parlementaire, affirmant que lui et son groupe sont « au début de la discussion ». À suivre, donc.
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