HAUSSE DE 11 % des installations d’infirmières libérales en zones très sous-dotées, et baisse de 3 % des effectifs en zones très surdotées : entre avril 2009 et janvier 2010, l’avenant n° 1 à la convention infirmière semble porter ses fruits. « Des résultats très positifs », juge l’assurance-maladie. « Des objectifs en partie atteints, qui répondent à une demande des professionnels », estime pour sa part Philippe Tisserand, président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI).
Depuis septembre 2008, plusieurs mesures de rééquilibrage de l’offre en infirmiers libéraux ont en effet été adoptées (à titre expérimental) par la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) et les syndicats – qui ont préféré signer un texte auquel ils ont contribué plutôt que de se voir imposer un dispositif coercitif. Il y avait urgence démographique, les disparités régionales variant de 1 à 7. Les professionnels libéraux qui s’installent en zone sous-dense peuvent désormais bénéficier d’une aide financière à l’équipement du cabinet, dans la limite de 3 000 euros par an pendant trois ans, et de la prise en charge des allocations familiales (2 760 euros en moyenne), à condition d’exercer majoritairement dans la zone et de faire 80 % de télétransmission.
À l’inverse, dans les zones surmédicalisées, une infirmière ne peut être conventionnée que si une autre cesse définitivement son activité : le conventionnement à l’installation est à l’œuvre. Concrètement, entre avril 2009 et janvier 2010, seules 91 demandes de conventionnement ont été acceptées, sur près de 160. À quelques semaines des prochaines négociations conventionnelles des infirmiers, et surtout au terme de l’expérimentation, le 12 avril, l’heure est au bilan.
Mise en place chaotique
« Ces aides sont les bienvenues. Je n’ai touché que 700 euros l’an dernier, au prorata de mon exercice, mais avec les 3 000 euros que je vais bientôt recevoir, je pense changer ma voiture », explique Céline Breux, qui possède avec une associée un cabinet à Beaumont sur Sarthe (zone très sous-dotée).
Pour autant, ce n’est pas le dispositif qui l’a amenée à s’installer dans ce village. « Avec ou sans, j’aurais racheté la patientèle de ma prédécesseur, partie à la retraite, car j’ai toujours vécu ici », confie Céline Breux. « Je n’avais jamais entendu parler de ces aides, la CPAM m’a indiqué que j’étais éligible lorsque je suis venue faire les démarches pour m’installer, après mon remplacement. » Une autre infirmière d’une bourgade de la Vienne, qui souhaite garder l’anonymat, ne dit pas autre chose. « J’ai découvert l’avenant lorsque je me suis inscrite à la CPAM, mais il n’a eu aucun impact dans mon désir de m’installer : je vis sur le secteur, l’hôpital le plus proche est situé à 30 km or, je voulais rester proche de ma famille. »
La méconnaissance du dispositif par les principales intéressées en est donc la première faiblesse. « La CNAM a envoyé des courriers, les syndicats aussi, mais nous aurions souhaité une campagne d’information de vaste ampleur », déplore Philippe Tisserand. Du coup, seul 40 % des professionnels éligibles ont adhéré à l’avenant conventionnel.
Les syndicats, virulents, critiquent également l’attitude de certaines CPAM qui n’aident en rien la généralisation du dispositif. « Quelles que soient les zones, les caisses créent parfois des difficultés et font une interprétation autoritaire de l’avenant, en n’autorisant aucune dérogation, alors que nous sommes encore dans l’expérimental » dénonce Michel Affergan, président de Convergence infirmière. « Certains directeurs très zélés créent des listes d’attente lorsqu’un cabinet est revendu. Or, la caisse n’a pas à choisir sur une liste le successeur d’une infirmière, qui a souvent un remplaçant attitré », détaille Philippe Tisserand, qui espère faire de ce sujet l’un des points forts des négociations entre infirmiers et CNAM.
Zonage.
Les très prochaines discussions devraient également porter sur l’élargissement des zones et la pérennisation de la carte, pomme de discorde entre la CNAM et les syndicats. « Nous avons conclu l’avenant en nous basant sur les chiffres de la démographie d’il y a 10 ans, cela ne veut plus rien dire ! », souligne Annick Touba, président du Syndicat national des infirmiers et infirmières libérales (SNIIL). « Il faut changer la définition des bassins de vie en fonction du recensement de la population, car lors des précédentes négociations, nous n’avions pas les derniers chiffres de 2008, et également de la démographie professionnelle, où le compteur est bloqué en 1999 », précise Philippe Tisserand. « Sans compter que la CNAM, dans ses calculs, ne prend pas en compte les 10 000 à 15 000 remplaçants », ajoute le président du FNI.
Mais la redéfinition, et peut-être, comme le souhaite la CNAM, l’extension des zones, ne suffira pas à emporter l’adhésion de tous les syndicats. « Sur le terrain, cela ne change rien, les infirmières sont toujours beaucoup plus nombreuses dans le Sud », observe Annick Touba. Un constat que partagent les infirmières de la Vienne et de la Sarthe, unanimes pour dire que les aides n’attirent pas leurs collègues. « La solution ne viendra pas par ce type de mesures », tranche Michel Affergan, qui reste prudent sur un possible élargissement des zones : « Quelles répercutions ces mesures auront-elles dans 5 ou 10 ans ? Je me méfie d’une vision court termiste de l’assurance-maladie, et ne veux pas bloquer l’installation des infirmières dans le libéral ». La CNAM devrait également s’attendre à une fin de non-recevoir de la part des masseurs kinésithérapeutes, à qui elle souhaiterait appliquer un dispositif similaire. Les médecins, eux, maintiennent fermement leur opposition à tout type de coercition.
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