C'EST un avis défavorable que vient de donner le Comité national de l'organisation sanitaire et sociale (CNOSS) aux projets de décrets renforçant la réglementation des services hospitaliers de réanimation.
Ces textes fixent des normes relatives aux locaux, aux équipements et aux compétences des équipes médicales et paramédicales présentes dans ces services, que ce soit en hôpital public ou dans les cliniques privées. Ils organisent aussi une gradation en niveaux des soins délivrés en réanimation, sur le modèle de ce qui a été fait pour l'urgence ou pour les maternités.
Des moyens insuffisants
Le CNOSS n'a pas critiqué le principe du dispositif arrêté mais a estimé, ainsi que l'explique la FHF (Fédération hospitalière de France), qui siège au comité et a voté contre les projets de décrets, que les moyens d'accompagnement nécessaires n'avaient pas été chiffrés et que le contexte démographique de la profession ne se prêtait pas à la réorganisation du secteur (pas assez d'anesthésistes, alors que les textes demandent pour chaque « unité de réanimation » au moins un médecin sur place de jour ; pas assez d'infirmières, quand ce sont deux infirmières pour cinq patients qui sont prévues).
« L'édiction de normes de sécurité, en quelque domaine que ce soit, (doit) être étayée par des études d'impact financier et organisationnel », affirme la FHF, qui rappelle que, s'ils entraient en vigueur, les décrets réanimation seraient « susceptibles d'engager la responsabilité des directeurs et des médecins, pourtant empêchés de facto de (les) appliquer ».
Même s'il n'est que consultatif, s'il n'empêche pas le gouvernement de passer outre en décidant de publier au « Journal officiel » la nouvelle réglementation de la réanimation, l'avis négatif émis par le CNOSS est un nouvel obstacle sur la longue route que suivent les décrets de réanimation depuis qu'on a commencé à les rédiger en 1996. Syndicats et pouvoirs publics auront mis deux ans pour se mettre d'accord. Prêts en 1998, les textes devront attendre janvier 2000 pour passer devant le Conseil supérieur des Hôpitaux. Les organisations de médecins anesthésistes-réanimateurs, majoritairement favorables au futur encadrement de leur pratique, dénoncent un enchaînement de « blocages » qu'ils ne s'expliquent pas toujours.
Des médecins « choqués »
« Serait-ce politique ? », s'interroge le Dr Michel Vignier, président du SNMARHNU (Syndicat national des médecins anesthésistes-réanimateurs des hôpitaux non universitaires), alors que l'application des textes prévus conduira nécessairement à une restructuration du paysage de la réanimation, à un travail en réseau des structures existantes, voire à la disparition de certains petits services (les « unités de réanimation » devront compter au moins huit lits). Président du SNARF (Syndicat national des anesthésistes-réanimateurs français, qui représente les médecins exerçant dans le privé), le Dr Jean-Marc Dumeix est mesuré : « Si on n'a pas les moyens d'accompagner les décrets, c'est dangereux de les faire paraître. » En revanche, le Dr Jean Garric, qui préside le SNPHAR (Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs), se dit « excessivement choqué par la position de la FHF » et fourbit ses contre-arguments : « La Fédération dit qu'il n'y a pas eu d'étude d'impact, mais nous avons fait une étude de faisabilité. L'enjeu de ces décrets, c'est une nouvelle cartographie de la réanimation, qui respecte à la fois les patients et les gens qui travaillent dans les services. C'est si on ne fait rien que les établissements vont plonger. »
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