Le grand air de la transparence, ma non troppo

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Publié le 13/04/2017
PerronElysée

PerronElysée
Crédit photo : AFP

La transparence sur la santé du président de la République, c’est une exigence « normale » (Emmanuel Macron et François Fillon). « Parfaitement normale », insiste Nicolas Dupont-Aignan.

Elle est « un élément du débat public », confirme Marine de Le Pen, le président « doit informer sur sa santé », estime Benoît Hamon, « rendre des comptes » (Philippe Poutou) car « sa santé appartient à la nation » (Jacques Cheminade). Mais cette transparence ne doit s’appliquer qu’ « en cas de problème (de santé) grave » (Jean-Luc Mélenchon). Méfions-nous en effet du « voyeurisme », prévient Emmanuel Macron et de « l’idéologie de la transparence » (Nicolas Dupont-Aignan). Car « les questions de santé relèvent de la vie privée, pour le président comme pour tout citoyen » (Marine Le Pen). Et elles « peuvent être facteurs d’une inutile défiance » (François Fillon).

Tous les candidats interrogés pour l’enquête publiée à chaque présidentielle par « le Quotidien » entonnent en chœur le même refrain. Aucun ne veut revivre les séquences tragiques où le mensonge d’État a travesti la vérité médicale, sous les septennats de Georges Pompidou et de François Mitterrand. Tous assurent que « les temps ont changé » (François Fillon), que l’époque des faux bulletins de santé est « aujourd’hui révolue » (Benoît Hamon), qu’elle ne serait « plus possible aujourd’hui » (Nicolas Dupont-Aignan). Seul Jean-Luc Mélenchon ne retient que « la forme de harcèlement » à laquelle les maladies présidentielles ont donné lieu sous plusieurs mandats.

Mais alors quelles garanties les candidats s’engagent-ils à fournir pour que l’histoire de la désinformation ne se renouvelle pas s’ils sont élus et atteints à leur tour d’une maladie grave ? Pour sept d’entre eux, il faudra se contenter de bonnes paroles : Emmanuel Macron rendra publique « toute information susceptible d’avoir des conséquences sur ses capacités de gouvernance ». De même Marine Le Pen promet « la transparence totale sur une maladie grave », Jean-Luc Mélenchon sur « les informations de santé ayant un impact sur l’exercice de la fonction » et Jacques Cheminade publiera « l’information nécessaire ». Seuls trois candidats prennent l’engagement de diffuser un bulletin de santé à un rythme régulier, annuel (Benoît Hamon, François Fillon), ou semestriel (Jacques Cheminade).

Contre-pouvoirs.

Dans ces conditions, ne conviendrait-il pas d’apporter des précisions constitutionnelles qui permettraient d’imposer un principe de transparence et en particulier de préciser les modalités d’un empêchement pour raison médicale ? Hormis François Asselineau, qui veut constitutionnaliser « des contre-pouvoirs », nos candidats sont unanimes : la constitution n’est « pas précise », admet Emmanuel Macron, mais c’est très bien ainsi. Il n’est « pas nécessaire de la revoir » (Marine Le Pen). « Les dispositions constitutionnelles me semblent adaptées » (François Fillon). Arrêtons de « légiférer à tout bout de champ » (Nicolas Dupont-Aignan).

Malgré les dramaturgies de la maladie qui se sont déroulées naguère sous les ors présidentiels, le futur chef de l’État n’apportera donc aucune autre garantie que celle de sa parole pour assurer ses concitoyens qu’il est bien en capacité médicale de diriger le pays. Au demeurant, la question n’est abordée dans aucun document programmatique, ni posée dans aucun débat, ni interview (exceptées celles du « Quotidien »). Tant il est vrai qu’un président n’est jamais gravement malade. Et que la transparence reste sous embargo médical et politique.

Christian Delahaye

Source : Le Quotidien du médecin: 9572