C 'EST une analyse sans complaisance de notre système de santé (et de maîtrise des dépenses) que viennent de délivrer les présidents des trois caisses nationales d'assurance-maladie, au moment où Elisabeth Guigou réunit autour d'elle un « Grenelle de la santé » pour sortir de l'ornière.
Dans une Tribune libre publiée dans « le Monde », daté du 24 janvier, Jeannette Gros, Jean-Marie Spaeth et Marcel Ravoux, respectivement présidente et présidents de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA), de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) et de la Caisse nationale d'assurance-maladie des professions indépendantes (CANAM), plaident pour « un nouveau contrat social », indispensable dans un pays qui se targue d'avoir le meilleur système de soins du monde, mais où « continuent de s'accroître » les inégalités d'accès à ces soins.
« Rôle de gendarme » : stérile
Les quelques lignes consacrées à la maîtrise des dépenses de santé, et en particulier au rôle de régulation que le gouvernement a assigné aux caisses, sont édifiantes. Ainsi, à propos de leur mission de gestion des honoraires des médecins (depuis la loi de financement de la Sécurité sociale 2000), le verdict des caisses est sans appel. « Ce rôle de gendarme financier casse la dynamique des relations contractuelles entre les caisses et les professionnels qui voudraient réformer le système. » Les trois présidents observent surtout que, dans ce dispositif qui permet d'ajuster périodiquement les tarifs médicaux et paramédicaux (lettres clés flottantes), les professionnels de santé ne retiennent « que la sanction » de la baisse de leurs actes, une sanction qui n'intervient d'ailleurs qu' « en pure perte, puisque les dépenses continuent leur envol ». Les mauvais chiffres de l'année 2000 (+ 5,9 % de hausse des dépenses d'assurance-maladie pour le régime général, contre un objectif fixé de + 2,5 %) sont là pour le confirmer.
Forts de ce constat d'échec, les trois responsables réclament une nouvelle distribution des rôles entre l'Etat, les parlementaires, les caisses et les professionnels de santé, fondée sur la « responsabilité retrouvée de chacun des acteurs ». Dans ce schéma, les caisses demandent « les moyens, notamment juridiques », pour veiller à ce que « chaque franc dépensé le soit dans l'intérêt des assurés », autrement dit, davantage d'autonomie vis-à-vis de l'Etat. Les trois auteurs font surtout un geste direct en direction des professions de santé, qui récusent le caractère collectif de la régulation. « Nous sommes, écrivent-ils, tout à fait disposés à examiner, sans faux-fuyant, comment y substituer une responsabilité plus individuelle des professionnels. » Une façon pour les caisses de signer l'arrêt de mort du système actuel de maîtrise, à la fois honni par la profession et inefficace.
Les syndicats de salariés dénoncent le manque de concertation de la présidence de la CNAM
Les administrateurs CFE-CGC, CFTC, CGT et FO de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) ont dénoncé, dans un communiqué commun, l'absence de concertation au sein du conseil d'administration de la Caisse avant le « Grenelle de la santé » qui se tient aujourd'hui.
« Aucune discussion sur la rencontre (du 25 janvier) n'a été prévue, et la commission d'assurance-maladie, fixée au 23 et qui aurait pu être un lieu de discussion, a été annulée », notent les syndicats.
« Faute d'un débat et d'un mandat explicites, les personnalités invitées au titre de la CNAM ne sauraient engager, par des prises de positions prônées par une minorité de la majorité de gestion, ni le conseil d'administration, ni les organisations syndicales », souligne le texte.
Le président de la CNAM, Jean-Marie Spaeth (CFDT), le vice-président Georges Jollès (Medef), et le directeur, Gilles Johanet, ont été conviés au « Grenelle de la santé ».
« Vraisemblablement, Jean-Marie Spaeth ne souhaitait pas avoir à dialoguer avec nous sur ce sujet », a estimé Alain Honoré (CGC), rappelant que les quatre organisations ont entrepris, depuis juillet 2000, un travail avec les syndicats de médecins pour repenser le système conventionnel.
« On se demande quels objectifs vont être avancés et on aurait aimé donner quelques orientations afin de savoir quelle pourrait être la position de la CNAM pour redonner la parole aux professionnels de santé », a-t-il ajouté.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature