Contraception d’urgence

Le rôle préventif du médecin

Publié le 23/09/2010
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DE L’UTILISATION artisanale d’œstroprogestatifs dans les années 1960-1970 à la mise sur le marché d’EllaOne (ulipristal acétate) en France en 2009 ; en passant par l’arrivée du Norlevo (levonorgestrel), pilule accessible en pharmacie dans les années 1990... La contraception d’urgence a fait sa révolution en l’espace de 40 ans.

Largement diffusée en France, elle offre aujourd’hui aux femmes des moyens efficaces de prévention de grossesse non désirées. Malgré ces avancées, le taux d’incidence des IVG reste stable depuis le milieu des années 1980. « Les progrès continus de la contraception médicale ont permis de diminuer le nombre de grossesses non prévues. Mais lorsque ces dernières surviennent, la décision de recourir à l’IVG a augmenté au fil du temps (40 % des grossesses non désirées aboutissaient à l’IVG en 1978 contre 60 % aujourd’hui). Car les couples sont davantage exigeants sur les conditions d’accueil (affectives, économiques, sociales...) d’un enfant », explique le Dr Caroline Moreau, épidémiologiste à l’INSERM.

Certes, le nombre de grossesses non planifiées a diminué, mais elles restent très fréquentes : chaque année, en France, 350 000 grossesses sont accidentelles. Un tiers de ces dernières surviennent chez des femmes qui n’ont pas de contraception. À l’inverse, 65 % d’entre elles utilisaient une contraception au moment de la survenue de la grossesse.

En France, avant la mise sur le marché d’EllaOne (HRA Pharma), les femmes ont d’abord accédé au Norlevo : premier produit autorisé et dédié à la contraception d’urgence. La mise à disposition de ce produit, en pharmacie, a permis une large diffusion de la contraception d’urgence en France. « Mais l’information délivrée au grand public sur ce médicament a été mal interprétée, estime le Dr Christian Jamin, gynécologue et endocrinologue à Paris. Les autorités sanitaires et les médias ont, en effet, informé la population sur le caractère ponctuel et exceptionnel de ce médicament,qui ne doit pas supplanter la contraception classique. Beaucoup de femmes en ont déduit, à tort, que le Norlevo était dangereux pour leur santé. Cela pourrait expliquer, en partie, le fait qu’il reste sous-utilisé. »

De fait, la méconnaissance et les idées reçues sur la contraception d’urgence sont toujours de mise : 3,4 % des femmes qui n’y ont pas eu recours ont cru qu’elle les rendrait malades ou était contre-indiquée ; 12,4 % ont pensé qu’il était trop tard pour la prendre, 7,1 % n’ont pas su où se la procurer et 2,2 % ont pensé qu’elle ne servait à rien (enquête Moreau et al, Contraception 2005).

Remédicaliser.

D’après le Dr Jamin, la mise à disposition en pharmacie de la contraception d’urgence a ses limites : « 71% des femmes entre 20 et 34 ans utilisent une contraception médicale, efficace à 99 %, et c’est cette tranche d’âge qui est la plus exposée aux IVG. Par ailleurs, la mise à disposition du Norlevo en accès direct, en pharmacie a eu pour conséquence de démédicaliser la contraception d’urgence : seulement 3 % de celle-ci est prescrite par un médecin. Une moindre prescription signifie un moindre dialogue des femmes avec leur médecin et moins de connaissances des situations à risques. Or, c’est au médecin, d’individualiser et de décrypter, l’information de masse délivrée par les médias et les autorités de santé sur la contraception d’urgence. »

La prévention des grossesses non désirées passe par la mise en place d’une contraception d’urgence dans les plus brefs délais, explications à la clé. Dans ce cas, sa prescription pourrait être faite, à l’avance, en même temps que la contraception classique ou dans le cadre d’une consultation de surveillance, dès lors que la grossesse n’est pas désirée, pour protéger et tranquilliser la femme. « Il faut anticiper les grossesses non désirées, car les femmes n’ont pas toujours conscience du risque qu’elles encourent lorsqu’elles ne sont pas bien protégées. Mieux vaut avoir la contraception d’urgence dans sa table de nuit, car en cas de risque de grossesse, il n’est pas toujours possible de prendre rendez-vous rapidement avec son médecin pour obtenir des conseils personnalisés. La contraception d’urgence doit s’inscrire dans le cadre d’une consultation médicale de prévention », conclut le Dr Jamin.

Conférence de presse organisée par le Laboratoire HRA Pharma.

Sources : enquête Cocon (INSERM, 2000-2004), réalisée auprès de 2 863 femmes de 18 à 44 ans et enquête de la DREESS, « L’IVG chez les mineures et les jeunes femmes », n° 659 septembre 2008.

HÉLIA HAKIMI

Source : Le Quotidien du Médecin: 8821