Les portraits de l'été

L'écriture, la seconde nature du Dr Jean-Jacques Erbstein

Par
Publié le 01/08/2018
Dr Erbstein

Dr Erbstein
Crédit photo : François Noseda

Pour le Dr Jean-Jacques Erbstein, prendre la plume était finalement davantage dans l’ordre des choses que de prendre le stéthoscope. Fils de deux journalistes, le généraliste mosellan n’est pas dépaysé par l’exercice. « J’ai toujours écrit. Je rédigeais déjà des articles dans le journal de la fac. Quand j’ai décidé de me lancer, j’ai été conseillé par mes parents évidemment, mais aussi par un écrivain lorrain pharmacien, Eric Marchal », explique le Dr Erbstein.

L’année dernière, le médecin sort son premier roman, « L’homme fatigué », qui lui vaut le Prix Littré remis par un groupement de médecins écrivains (relire notre dossier consacré aux médecins écrivains). Le coup d’essai est un coup de maître donc, pour un livre où il n’est pas du tout question de médecine. « C’est l’histoire d’un journaliste rescapé de la Shoah qui devient journaliste de guerre », explique-t-il. À travers lui, on suit les évènements de Budapest en 56, la guerre des six jours en 67 et par flash-back la rafle du Vel d’hiv, « avec tout le background historique et économique de la guerre froide en toile de fond et un grand secret qui est révélé à la fin », ajoute-t-il.

Une carrière médicale auprès des mineurs

Passionné de bien des domaines, le généraliste n’aime rien de plus que parler d’autre chose que de médecine. Pourtant, il aime son métier et devenir médecin a été pour lui une vraie vocation. « Je voulais faire de la chirurgie mais comme j’étais incapable de tenir deux minutes au bloc opératoire sans tomber dans les pommes, j’ai laissé tomber », confie-t-il.

Après les études de médecine, il ambitionne de faire Sciences-Po et suit un diplôme dans la politique européenne de santé. « Je suis partie comme interne dans un hôpital périphérique et ça m’a tellement plu que j’ai décidé de devenir docteur et de renoncer à Sciences-Po ». En Moselle, le généraliste fait toute sa carrière auprès des mineurs. Le centre de santé de Créhange pour lequel il travaille aujourd’hui est une ancienne caisse minière. « Aujourd’hui, ma patientèle est composée à 50 % d’anciens mineurs et à 50 % de personne du régime général. » Les soins sont gratuits pour les premiers, et pour les autres, en Alsace Moselle l’exonération du ticket modérateur étant la règle, les patients règlent directement 2,50 euros au médecin. Un système qu’apprécie le généraliste : « Il n’y a aucune relation financière avec les patients, ce qui correspond plutôt à ma vision de la médecine ».

L'humanisme comme trait d'union

Le généraliste de 52 ans fait donc partie du club, assez fourni, des médecins écrivains, parmi lesquels il admire particulièrement Martin Winckler et Jean-Christophe Rufin notamment. Et pour lui, la filiation est assez logique entre les deux disciplines. « À partir du moment où l’on envisage la médecine générale avec une vision humaniste, la transition entre médecine et écriture est proche », estime-t-il. « Nous partageons tellement des tranches de vie que nous sommes obligés d’avoir un questionnement sur de nombreuses choses, cela motive l’écriture. »

Même si le Dr Erbstein ne souhaite pas « raconter des histoires de médecine », son métier l’inspire malgré tout. « Dans mon premier ouvrage, un personnage est clairement inspiré d’un de mes patients », précise-t-il. Son deuxième ouvrage, « Le blues de la blouse blanche », qui sort en septembre raconte l’histoire d’un médecin à qui l’on découvre une tumeur, ce qui va changer sa vie d’homme mais aussi de médecin.

Amoureux de Maurice Druon et de Marcel Pagnol, pour son sens de la description, Jean-Jacques Erbstein ressent une grande satisfaction à trouver des patients qui lisent ses ouvrages en poussant la porte de sa salle d’attente. Et les rencontres avec les lecteurs ne sont finalement pas si loin de celles avec les patients : « Certains lecteurs rencontrés sur des salons m’ont dit de très jolies choses, par exemple que mon livre avait pu les aider à traverser des épreuves. »

Finalement, l’obstacle le plus important entre la médecine et l’écriture c’est le temps. Dans un désert médical, les journées du Dr Erbstein lui laissent peu de temps pour prendre la plume. « Le soir, quand je rentre chez moi, je suis tanné », ajoute-t-il. Il attend donc avec impatience le renfort d’une jeune collègue à l’automne et ses vacances cet été pour avancer sur son troisième ouvrage, déjà en chantier.

 

Les conseils lecture du Dr Erbstein pour l'été

Les Fleurs du mal, Charles Baudelaire : Le livre de bons et des mauvais jours. La réponse à toutes mes questions. La beauté et l’harmonie. Une rencontre fabuleuse. Mon préféré : "A une passante"

Émile Zola : Pour J’accuse. Germinal pour les Mines et les mineurs que je respecte et admire tant. Zola pour son style et sa vérité. « Je n’ai qu’une passion, celle de la lumière au nom de l’humanité qui a tant souffert et qui a le droit au bonheur. » 

Le Seigneur des anneaux, J.R.R. Tolkien : Une écriture épique. Une mythologie. Un art. Un univers. Le souvenir de mes parties de Donjon et Dragon.

Les Grandes Familles, Maurice Druon : La perfection de l’écriture. Je n’ai rien à ajouter. 

Le Temps des amours, Marcel Pagnol : Les descriptions riches sans être jamais lassantes. L’auteur qui me donne envie de prendre le lecteur par la main en faisant jouer tous ses sens. Un clin d’œil à mes humanités au Lycée Henri Poincaré de Nancy et mes cours de latin tellement adorés.


Source : lequotidiendumedecin.fr