Vitamine D et activité de la maladie

Les données de l’étude COMEDRA

Publié le 19/02/2015
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894 patients de la cohorte COMEDRA (1), ont eu un dosage de la vitamine D (VitD) sérique, à un taux normal, c’est-à-dire ≥30 ng/ml, chez 362 patients (40,5 %), tandis que 501 patients (56 %) étaient en insuffisance (10-29,99 ng/ml) et 31 (3,5 %) en carence (‹ 10 ng/ml).

861 de ces patients ont été appariés par âge, sexe, région d’habitat et saison du dosage avec des témoins sains issus de la cohorte NutriNet-Santé. Les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR) avaient une prévalence plus faible d’insuffisance et de carence en VitD que les contrôles (PR : 55,8 % versus contrôles : 59 % et PR : 3,6 % versus contrôles : 5,23 % respectivement, p = 0,04). Aucune corrélation n’a été retrouvée entre taux de VitD et âge du patient ou latitude de son habitat.

L’activité de la PR était évaluée par les scores DAS28-VS, DAS28-CRP, SDAI et CDAI, et une relation inverse a été retrouvée entre les taux de VitD et les trois derniers, non avec le DAS28-VS. Parmi les paramètres du DAS28, seule a été retrouvée une corrélation inverse entre taux de VitD et nombre d’articulations douloureuses. Une relation inverse a également été constatée entre le taux de VitD et l’IMC, ou un traitement par tocilizumab.

Tous ces résultats sont restés significatifs après ajustement de l’âge, du sexe, de la saison du dosage de VitD et de l’IMC des patients.

Aucune relation n’a en revanche été mise en évidence entre les taux de VitD et les facteurs de risque cardiovasculaire autres que l’IMC.

L’absence de lien entre taux de VitD et latitude dans cette étude peut s’expliquer par la tendance récente à une supplémentation facile en VitD, tout particulièrement dans les régions de latitude élevée, où les médecins sont particulièrement sensibilisés à la question. De même, les patients atteints de PR semblent moins carencés dans notre étude que les témoins sains, alors que les données habituellement retrouvées dans la littérature sont en faveur de taux similaires entre PR et témoins, à latitude égale (2). Il y a vraisemblablement un biais de recrutement de notre population de patients, particulièrement bien suivie et aisément supplémentée avant le début de COMEDRA.

Nous avons également mis en évidence une association inverse entre taux sériques de VitD et IMC, ce qui est compatible avec la littérature, et généralement expliqué par un effet de stockage de la VitD dans les adipocytes (3). Ceci pourrait expliquer la corrélation inverse curieusement retrouvée entre les taux de VitD et un traitement par tocilizumab, alors que la littérature actuelle est plutôt en faveur d’un lien inverse entre taux de VitD et d’Il-6 (4). Qu’aucune association n’ait été retrouvée entre les taux de VitD et les différents facteurs de risque cardiovasculaire est également surprenant, et nous n’avons pas, à ce jour, trouvé d’explication satisfaisante à ce phénomène.

L’association inverse entre taux de VitD et activité de la PR a été démontrée dans la majorité des études portant sur le sujet, et les résultats de COMEDRA sont donc en accord avec le consensus actuel. Il est cependant toujours impossible, en l’absence d’essai randomisé contrôlé contre placebo, de pouvoir affirmer, s’il y a un lien réel entre VitD et activité de la PR, qui est la cause et la conséquence. Plusieurs études prospectives, de faible effectif, ont été réalisées afin de juger de l’effet de la supplémentation sur l’activité de la maladie, avec des résultats contradictoires. Un protocole similaire, baptisé SCORPION, est actuellement en cours au CHU de Clermont-Ferrand, qui devrait pouvoir apporter des réponses à ces questions.

Clermont-Ferrand

(1) Dougados M. Ann Rheum Dis. 2014

(2) Rossini M. Arthritis Res Ther. 2010;12(6):R216

(3) Blum M. Endocrine 2008;33(1):90-4

(4) Teles FR. J Periodontol. 2012 ;83(9):1183-91

Dr Stella Cecchetti

Source : Congrès spécialiste